Le design, cet ambassadeur qui s’ignore
Dans un monde fait d’images et d'objets, le design façonne l'univers qui nous entoure. Mais les designers sont-ils conscients du pouvoir de leurs disciplines respectives pour représenter un pays dans son ensemble?

Image de marque pour Design Switzerland un programe de ProHelvetia
Crédits: ©BaseLe design, dans sa dimension strictement fonctionnelle, répond à des besoins de communication ou d'aménagement concrets. Dans sa forme purement artistique, son caractère conceptuel l'emporte sur l'usage. Le plus souvent, et c'est la force de cette discipline, les designers font coexister préoccupations pratiques et aspirations esthétiques. Mais la vocation de la conception graphique ou d’objet est-elle uniquement de créer du beau, du pratique ou les deux à la fois ?
Si l’on considère que, selon la définition, « le design est une activité de création souvent à vocation industrielle ou commerciale, pouvant s’orienter vers les milieux sociaux, politiques, scientifiques et environnementaux », ce terme peut aller jusqu’à couvrir des domaines de création plus vastes tels que le graphisme, l’architecture et dans une certaine mesure l’art.
En observant les différents champs du design dans cette perspective élargie et à une échelle nationale, il est possible de constater, qu’étudiés comme un ensemble, ils révèlent beaucoup plus que des préoccupations esthétiques ou ergonomiques. Le design fait l’effet d’un miroir de la société et permet de comprendre les tendances, les différentes influences et les valeurs qui caractérisent un pays dans sa globalité. A la frontière entre art et industrie, le design souligne certains codes culturels empruntés individuellement ou collectivement.
En Suisse, le design porte par exemple en lui tout ce qui fait l’essence de ce pays. Même certains clichés qui ont la vie dure, mais qui reflètent aussi la culture helvétique : tradition, innovation, rigueur, modération, territoire, international, diversité, uniformité. Une sorte de pot-pourri qui comporte aussi bien des qualités que des paradoxes. Comme le design helvétique n’a pas qu’une seule expression mais plusieurs qui forment un tout unique, il est un point d’entrée efficace pour représenter la Suisse dans son ensemble et sous ses différentes facettes.

Max Miedinger, créateur de la police de caractère Helvetica, Josef Müller-Brockmann, doyen des figures marquantes du style international, Norm et Buro Destruct qui bousculèrent le style suisse à la fin des années 90 en lui redonnant un second souffle, Herzog et de Meuron, Peter Zumthor et Mario Botta pour l’architecture radicale, aujourd’hui Big Game et Adrien Rovero de Lausanne en dignes représentants de l'ECAL, Le Corbusier, Jürg Bally, Kurt Tuth, Max Bill, Christophe Guberan, Nicolas Le Moigne et Atelier Oï font partie des centaines de designers qui ont forgé – et continuent à le faire – le design suisse pour le présenter aux yeux du monde. La visibilité du design participerait ainsi à celle du pays dans son intégralité…

La création du label Design Switzerland par la Fondation pour la culture Pro Helvetia confirme ce point de vue. Lancée pour promouvoir les designers suisses émergents sur la scène internationale, cette initiative confirme le pouvoir du design en tant qu’ambassadeur de choix. Déployé pour la première fois lors de la manifestation d’envergure internationale London designjunction en septembre 2018, Design Switzerland permet de rendre visible le visage créatif de la suisse à travers le regard de différents designers. L’identité-même du label est pensée pour traduire graphiquement les contrastes et la richesse du pays tout entier. Un concentré de « Swiss attitude » véhiculé par cette discipline et la multiplicité de ses expressions.

La Suisse profite donc – sans vraiment l’exploiter – de la notoriété de ses designers pour la représenter. La France avec son savoir-faire dans le domaine du luxe, la Belgique avec la mode, l’Allemagne et son incroyable vivier de designers industriels et tant d’autres pays font de même en enrichissant leur image grâce aux créatifs qu’ils nourrissent. Des designers-ambassadeurs qui s’ignorent?