Les milliardaires ne pleurent pas
Les cons ça ose tout, c’est même à cela qu’on les reconnait, faisait dire à Lino Ventura l’ineffable Michel Audiard dans les Tontons flingueurs. A l’ère de Twitter, la connerie est démultipliée et les cons n’ont plus de limites. Dernier exemple en date Elon Musk: le pourtant taciturne, limite sociopathe, patron de Tesla et Space X.
Dans une interview au New York Times, Elon Musk révèle ainsi que son tweet indiquant son intention de retirer le fabricant de voitures électriques de la bourse (“Am considering taking Tesla private at $420. Funding secured”) n’a été contrôlé par personne. Dans cette interview larmoyante, Elon Musk explique aussi ne pas dormir tellement il a de travail.
On n’en doute pas. Pas plus qu’on ne doute du caractère visionnaire d’Elon Musk en particulier avec Space X puisque dans le cas de Tesla il s’est surtout approprié la vision de deux ingénieurs, Martin Eberhard et Mark Tarpenning et que dans celui précédent de PayPal il a profité des difficultés de ses partenaires pour en prendre le contrôle.
Rien de répréhensible à cela. La Silicon Valley n’est pas le pays des petites filles mais des requins. Et Elon Musk a eu aussi des intuitions géniales: de la remployabilité des fusées de Space X à la stratégie d’abord haut de gamme de Tesla en passant par le repositionnement sur le paiement pour le commerce électronique de PayPal.
Il semble cependant souffrir d’un syndrome à la Citizen Kane. Fils d’une mannequin, résident du quartier des stars Bel Air à Los Angeles et pionnier d’internet, Elon Musk connait parfaitement les codes de la communication. Mais il semble s’être isolé. Pour sa comm' il ne délègue rien sauf à quelques cerbères. Alors que savoir déléguer est précisément l’un des talents qui font les leaders. «Empowering » comme on dit en langage managérial.
Résultat de cette comm’ erratique: des aberrations. Comme de dire que le financement privé de Tesla sera assuré par le fonds souverain de la pétromonarchie saoudienne. Certes, celle-ci veut se diversifier. Mais s’associer au principal pourvoyeur d’émissions de CO2 est pour le moins paradoxal quand Elon Musk faisait à Paris, il y a trois ans, la promotion d’un accord sur leur réduction pour éviter le réchauffement climatique.
La réalité est que produire en masse des voitures reste un exercice industriel incroyablement complexe. Les ingénieurs 1.0 qu’on adore railler savent que c’est une bataille collective d’une complexité invraisemblable où la faillite n’est jamais loin tellement les marges sont tendues. La bourse qui a sanctionné l’interview d’Elon Musk en effaçant tous les gains de l’action cette année le sait qui ne se contentera pas de quelques larmes de crocodile. Idem pour la SEC, le gendarme de la bourse américaine, qui a maintenant trois enquêtes ouvertes concernant Tesla.
La leçon servira peut-être à un autre enfant-roi, ivre de toute ou de tweet puissance, le président Trump. Mais on en doute. Les cons ça ose…