La bulle qui cache la forêt
Le mois de janvier a été occupé par l’éclatement de la bulle du bitcoin. Le consensus était que les cryptomonnaies ne reposant sur rien de tangible, leur décollage ne pouvait qu’aboutir à un crash. Certes, mais cet argument de ce que l’on appelle le debasement dans le jargon financier – le fait qu’une émission monétaire ne repose plus sur un collatéral tangible depuis la fin de l’étalon-or – est revenu sur les marchés financiers. A une toute autre échelle et avec des conséquences bien plus importantes.
Même si le bitcoin descend à zéro, personne n’aura perdu grand-chose. Les récits d’investisseurs qui se seraient endettés pour acheter des cryptos ne sont appuyés sur aucun cas concret. S’ajoute à cela que la valeur de tous les bitcoins a atteint à son pic de décembre 300 milliards de dollars. Par comparaison, dans la journée du 5 février, le seul S&P 500 a effacé plus de 1000 milliards de dollars. On ne parle donc pas de la même chose.
Ce qui nous ramène aux raisons de la récente correction et à ses éventuelles répliques. A la base, c’est la remontée des taux d’intérêt américains, à 2,87% pour le 10 ans, qui a servi de détonateur. La fin de l’argent bon marché mettrait fin à la hausse des actions, de l’immobilier et de la dette publique depuis dix ans. D’autant qu’en même temps, la bonne santé de l’économie mondiale a fait resurgir des craintes d’inflation de nature, elle, à empêcher les banques centrales de diminuer leurs taux.
Oui, mais si l’économie mondiale va bien, pourquoi s’inquiéter? Les bourses ne regardent pas dans le rétroviseur mais essaient de deviner le futur. Wall Street avait ainsi gagné 32% depuis l’élection de Donald Trump, surtout grâce à sa réforme fiscale. On découvre maintenant son revers. Le Trésor américain a rendu public sa perspective de déficit 2018: le double de celui de 2017, soit un
trillion de dollars...
C’est à ce point que la question du debasement revient. Qui va acheter cette montagne de dettes en dollars? Le Japon est vacciné et la Chine ou l’Arabie saoudite plus intéressées par des actifs tangibles. Pour attirer les investisseurs, il faut donc que les taux montent, surtout si l’inflation est anticipée. Cette dernière empêcherait aussi les banques centrales de devoir acheter en dernier ressort ces dettes, le fameux quantitative easing dont on n’est toujours pas sorti.
Le doigt sur la gâchette
L’histoire récente des krachs financiers nous apprend qu’il y a systématiquement des signes avant-coureurs: des corrections présentées comme pas graves, surtout par ceux qui doivent encore trouver des acheteurs, mais qui soulignent une chose: les investisseurs ont le doigt sur la gâchette. Exactement comme avec le bitcoin. Le crash de la cryptomonnaie pourrait être l’arbre qui révèle la forêt de bulles alimentées par des planches à billets devenues elles aussi virtuelles.