L’OCDE et la femme de César
En choisissant de confier à l’entreprise américaine Unisys le soin de construire la plateforme informatique qui va servir à l’échange automatique d’informations fiscales, les experts de l’OCDE ont oublié le célèbre dicton latin: «La femme de César ne doit pas être soupçonnée.»
Il est de notoriété publique que les grandes entreprises internationales américaines stockent des profits gigantesques – 2,4 trillions de dollars – dans des filiales offshore afin d’échapper indéfiniment à l’imposition de leur pays. L’attention s’est en particulier concentrée sur les pratiques des grandes sociétés technologiques comme Apple (181 milliards de bénéfices offshore) ou Microsoft (108 milliards).
Entreprise informatique de taille certes plus modeste avec un chiffre d’affaires de trois milliards de dollars, Unisys est aussi dans cette logique d’optimisation fiscale. Le dernier rapport annuel de l’entreprise (formulaire 10K) remis à la SEC, le gendarme américain de la bourse, indique en effet qu’elle dispose de 1,417 milliard de dollars de bénéfices différés dans ses filiales à l’étranger, dont 286,9 millions en cash. Par comparaison, dans son 10K pour 2010 l’entreprise évoquait un montant de 854 millions de dollars pour ces bénéfices maintenus indéfiniment à l’étranger.
Manque de transparence
Certes, ce n’est ni illégal ni même contraire aux principes de l’échange automatique d’informations qui concerne d’abord les personnes physiques. Mais l’OCDE a aussi lancé en parallèle son initiative BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) pour lutter contre les pratiques d’optimisation fiscale des entreprises. Elle prévoit le reporting par pays.
Avoir retenu pour construire la plateforme d’échanges d’informations fiscales une entreprise qui ne répond même pas sur la question de savoir dans quelles juridictions sont stockés ces bénéfices trahit donc, sinon la lettre, du moins l’esprit de la transparence fiscale que prône l’OCDE. Et celle du fisc américain qui avait confié la plateforme Fatca aussi à Unisys.