S'il y a un art qui a perdu enprestige, c'est bien la tapisserie. Au Moyen Age et à laRenaissance, quand les princes étaient aussi itinérants que nosactuels jet-setteurs, il s'agissait de la forme la plus prisée.D'une part, il s'agissait là d'un décor transportable. De l'autre,l'acheteur s'était offert non pas de l'imagination mais du temps.Les années nécessaires à la confection de certaines tenturesfaisaient l'essentiel du prix. Une idée rejetée par notre époque,qui a ôté toute valeur au travail manuel. Le design me semble laforme la plus caricaturale de ce radical changement d'opinion. Il y aquelques siècles, ce qui sort aujourd'hui d'une machine aurait parujuste bon à jeter.
Le Clos Lussé, où mourut Léonard deVinci en 1519 (désolé, ce n'était pas dans les bras de FrançoisIer, comme le veut la légende!) abrite pour quelques jours encore (1)une immense tapisserie. Elle a été réalisée à la fin des années1510, alors que le maître vivait à Amboise, près de l'un deschâteaux royaux. Il s'agissait d'une commande faite par François Ier etson omniprésente mère Louise de Savoie à un atelier aujourd'huiinconnu, sans doute situé en Flandres. Le but était d'avoir unecopie, plus grande que nature, de «La Cène» de Santa Maria delleGrazie de Milan, alors en parfait état. La pièce mesure en effet513 centimètres de haut sur 910 de large. Le souverain gardait alorsses prétentions sur la Lombardie. Elles disparaîtront après ladéfaite de Pavie en 1525.
Donnée au pape
Etait-ce là un mauvais souvenir?Toujours est-il que l'oeuvre a très vite quitté les collectionsroyales. En 1533, François en a fait cadeau au pape Clément VII,oncle de la jeune Catherine de Médicis qui épousait alors son filscadet. Un adolescent nullement destiné à régner. On connaît lasuite de l'histoire, qui restait alors à écrire. Toujours est-ilque ce monument de laine et de soie se trouve aujourd'hui au Vatican,qui l'expose ordinairement dans sa pinacothèque auprès des Raphaël.Il aura fallu le tonitruant anniversaire de la mort de Vinci etl'urgent besoin d'une restauration pour que la tapisserie sorte deson abri habituel, il est vrai prestigieux.
Un dossier sur la restaurationaccompagne l'énorme livre consacré au sujet. On ne pouvait pasfaire petit avec quelques chose d'aussi grand. Après toutes lespréfaces d'usage, dont il est permis de se demander si elles ontvocation d'être lues, près de dix auteurs y vont de leur article.Les Italiens ont donné dans le ton savant, avec beaucoup de notes.Ils s'adressent à un public que l'on eut qualifié jadis de«choisi».
Un long voyage
D'autres contributions se révèlentplus accessibles. J'ai ainsi été passionné par celle de Jan Sammersur «le voyage de Rome à Amboise de Léonard de Vinci». Factuelle,avec ce qu'il faut tout de même de suppositions pour boucher leslacunes de nos connaissances. J'ai ainsi appris que la caravaneVinci, dirigée par Antonio Maria Pallavicini pour amener l'artiste àAmboise en 1516, avait sans nul doute pris l'itinéraire entrente-cinq relais de poste menant de Milan à Lyon. Cette routepassait par Genève. Une note du «Codex Atlanticus» le confirme.Vinci y parle de l'église Saint-Jean, aujourd'hui réduite à desfondations du côté de Saint-Jean, et de Saint-Gervais. Il a mêmeesquissé un bastion et montré «l'eau du fleuve se fracassantcontre un mur de rétention». Le peintre et ses compagnons gagnèrentensuite Roanne pour pouvoir emprunter la Loire...
Luxueux, l'ouvrage bénéficie bien sûrde nombreuses illustrations. Les dernières d'entre elles forment lacatalogue proprement dit de l'exposition actuelle.
(1) La présentation dure jusqu'au 8 septembre.
Pratique
«La Cène de Léonard de Vinci, Unchef-d'oeuvre d'or et de soie pour François Ier», sous la directionde Pietro C. Marani, aux Editions Skira, 248 pages.
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Un livre pour la tapisserie tirée de "La Cène" de Vinci aujourd'hui exposée à Amboise
La tenture a été commandée du vivant de l'artiste par François Ier. Vinci était alors son hôte. Le peintre a brièvement passé par Genève en 1516 entre l'Italie et la France.