C'est une vraie nouvelle. Les experts de Christie's ont retrouvé les deux lions de marbre qui ornaient à Saint-Denis le tombeau de Charles V (1337-1380), le roi bibliophile à la lointaine origine de la Bibliothèque Nationale. La sculpture avait disparu de la circulation depuis la Révolution française. On la connaissait par une gravure du XVIIIe siècle, explique le communiqué de presse. Il s'agit sans doute du recueil de monuments conçu par Roger de Gaignières, mort en 1715. Une source irremplaçable pour se figurer une quantité d’œuvres d'art disparues depuis.
Les lions ont passé tôt en Angleterre. On sait qu'ils ont été acquis en France en 1802 par Sir Thomas Neave (1761-1848). L'aristocrate avait alors visité le Continent, en profitant comme ses compatriotes (dont le peintre Turner) de la fragile Paix d'Amiens. Avant, mystère... Les fauves ont sans doute été sauvés, comme le gisant du roi (qu'il ne faut pas confondre avec la statue grandeur nature, conservée au Louvre) par Alexandre Lenoir des destructions perpétrées à Saint-Denis en 1793-1794. Afin de financer son Musée des monuments français, ouvert en 1795, Lenoir avait dû vendre des pièces. Les Anglais s'étaient déjà mis depuis longtemps au gothique (1).
Quatre tombeaux commandés d'un coup
Par les archives, nous savons presque tout sur la tombe de Charles V, qui a par ailleurs fait l'objet du plus ancien portrait peint français concervé (2). Peu après son accession au trône en 1364, Charles a commandé quatre tombeaux pour lui et les siens au sculpteur André Beauneveu (vers 1335-1402), l'un des artistes les plus célèbres de son temps. Ce dernier a livré l'ensemble deux ans plus tard, ce qui dénote une célérité certaine. Il était en fait entouré d'une équipe. Il en existait déjà de solides au Moyen Age. Les experts pensent cependant qu'il s'était réservé la tombe du roi, de loin la plus prestigieuse. Ils le déduisent de la qualité du gisant, aujourd'hui retourné à Saint-Denis où la tombe s'est vue reconstituée tant bien que mal au XIXe siècle (et sans les lions, of course!). Notons que deux des autres gisants ont survécu, le quatrième ayant été fracassé par les révolutionnaires ou s'étant égaré dans la nature.
La vente de l’œuvre se déroulera dans le cadre de «The Exceptionnal Sale» le 6 juillet à Londres. Un fourre-tout annuel de super luxe, créé en 2008. Christie's n'avance aucune estimation. Il serait évidemment bon que la France achète le groupe. Le Louvre vient bien de s'offrir deux deux pleurants du tombeau du duc de Berry pour 5 millions d'euros, le duc étant un frère cadet de Charles V. Il faudra cependant trouver les sous, et bien sûr que l'Angleterre laisse sortir le marbre. Elle le verrait peut-être bien finir au Bristish Museum ou, mieux encore, au Victoria & Albert Museum. Une présence continue sur sol britannique depuis plus de deux siècles justifierait cette mesure.
Le précédent du dais
Les objets possédant une telle provenance restent évidemment rarissimes. Je rappellerai cependant que les Amis du Louvre ont pu acquérir en mai 2009 la tapisserie qui ornait le dais de Charles VII, l'homme qui devait son trône à Jeanne d'Arc. A l'état de neuf, cette merveilleuse tenture du XVe siècle avait été découverte chez un privé en 2008. Un heureux hasard. On ignore comment elle a traversé les siècles.
(1) Le Louvre a consacré il y a quelque temps une exposition à l'action d'Alexandre Lenoir. Je vous en avais alors parlé. - (2) Il est conservé au deuxième étage du Louvre.
N.B. Je précise que Beauneveu a pu voir des lions pour de vrai et les observer. La ménagerie parisienne de Charles V, à l'Hôtel Saint-Pol disparu depuis longtemps, comportait une dizaine de lions et de lionnes. Le lion symbolise en effet le pouvoir. C'est le roi des animaux.
Photo (Christie's): Les deux lions qui seront vendus le 6 juillet.
Prochaine chronique le samedi 25 février. Art contemporain à Pully. La photographie trouée, grattée, détourée etc...
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SCULPTURE/Christie's a retrouvé les lions du tombeau de Charles V