Ribordy Thétaz s'installe aux Pâquis. La géographie artistique change à Genève!
La galerie était mal placée aux Bains. Ils se démodent, comme Carouge. Le nouvel espace se révèle immense. Tout blanc, bien sûr. Et ultra-contemporain bien entendu.

Laetitia Thétaz et Stéphane Ribordy.
Crédits: Tribune de GenèveGenève bouge. Ou plutôt il (ou elle)
se déplace. Au fil des décennies, les quartiers suivent des modes,
ce qui les fait changer d'affectations. En ce moment, Carouge et les
Bains se retrouvent ainsi en panne, après avoir monopolisé les
regards. Avec les dégâts que cela suppose. Je sais qu'il reste de
bon ton pour la presse complaisante du luxe de s'extasier quand un
quartier se gentrifie, mais je ne changerai pas d'avis. Il me désole
de voir transformer des rues populaires en ghettos bobos. C'est ce
qui est arrivé à Carouge. C'est ce qui va se passer avec les
Pâquis. La rue de Monthoux en constitue le symptôme, même si c'est
rue de Fribourg que vient d'ouvrir un quatre étoiles. En face de
Genève Enchères a poussé un affreux immeuble aux appartements
hors de prix. Les magasins chics s'y implantent, chassant les dames
de petite vertu. Depuis quelques semaines, Ribordy Thétaz y remplace
aussi un garage. On a pourtant davantage besoin de ces derniers que
d'une galerie.
Ribordy Thétaz? Vous avez connu l'espace de Stéphane Ribordy au boulevard d'Yvoy. Sans doute l'artère la plus triste de Genève, mal éclairée et sans magasins. L'homme, au nom de régie immobilière, y a tenu contre vents et marées pendant des années. Il faut dire qu'il chapeautait parallèlement l'Association des Bains, aux membres toujours moins nombreux. Il y a quatre ans, il s'est associé avec Laetitia Thétaz. Une alliance aussi bien artistique que financière. Nous ne sommes pas ici dans le monde des espaces pauvres, même s'il reste bienvenu de jouer en permanence dans ce milieu puritain l'air de la misère, comme le ferait Mimi dans «La Bohème» de Puccini.
Un ancien garage
Les Bains prenant l'eau et les galeries s'installant aujourd'hui n'importe où, comme Pace au quai des Bergues, les Ribordy Thétaz ont donc décidé de se faire voir ailleurs. Aux Pâquis donc. Ils n'étaient pas les seuls à convoiter cet espace de 350 mètres carrés, alors que Genève regorge d'arcades vides. Sébastien Bertrand a en effet depuis longtemps tiré le maximum d'un ancien garage (de bateaux, cette fois) rue du Simplon aux Eaux-Vives. Le lieu pâquisard a été transformé. Il s'agit aujourd'hui d'un local tout blanc, comme le veut l'art contemporain. Un univers où les gens se révèlent souvent très conformistes. Il y a des coins et des recoins, dont un pour les réserves et un autre pour le bureau (et un troisième pour le WC, en cas d'urgence). Des colonnes s'élèvent un peu partout. Elles soutiennent le toit, d'où des verrières dispensent un bel éclairage naturel.

Pour l'exposition inaugurale, intitulée
«Rise» ce qui suggère une ascension, il y a en tout 25 œuvres
d'artistes divers (Zak Kitnick, Ryan Foerster, Trudy Benson...).
Beaucoup de place se voit donc laissée vide, ce qui laisse supposer
que peintures et objets coûtent cher. Nous sommes dans un lieu voué
au XXIe siècle, années 2010. L'année où a été produit le
«Sliver» de Viktot Kopp, qui représente des carrés de chocolat.
C'est tantôt austère, tantôt pop. Mais avec une conscience tout de
même! Marco Pariani a intitulé son acrylique, «Love for Animals,
but Please no Immigrants in my Town» Un machin de deux mètres
cinquante sur deux mètres. Ici, on voit grand en tout. Il faut de la
place et des parquets solides pour accueillir «TBT» de Pierre Vadi.
Une sculpture en résine, fibre de verre et béton tenant un peu du
meuble. La suite en avril!
Pratique
«Rise», galerie Ribordy Thétaz, 12, rue de Monthoux, Genève, jusqu'au 23 mars. Tél. 022 321 75 63, site www.ribordythetaz.com Ouvert du mardi au vendredi de 11 à 18h, le samedi de 14h à 17h.