"René Burri, L'explosion du regard" de l'Elysée lausannois, c'est aussi un livre
Si l'exposition me laisse perplexe, le catalogue apparaît bien conçu et bien présenté. Le musée a confondu deux genres obéissant en fait à des lois très différentes.

René Burri a aussi énormément travaillé en couleurs.
Crédits: Succession René Burri, Musée de l'Elysée, Lausanne 2020.Il y a l’exposition, dont je vous parle une case plus haut dans le déroulé de cette chronique. Il existe aussi le livre. En apparence, il devrait s’agir d’un utile complément. Les principaux auteurs sont du reste les mêmes. Il s’agit de Marc Donnadieu et de Mélanie Bétrisey, qui s’occupe depuis six ans de la Fondation René Burri déposée au Musée de l’Elysée à Lausanne. Quelques autres personnes ont pris la plume, notamment des proches du photographe disparu en 2014. Des textes courts, histoire de mettre les énormes archives dans leur contexte. Pour tout hommage, il se trouve beaucoup de gens voulant prendre la parole. Le tout, quelques pages à peine, encadre comme il se doit les photos présentées dans l’actuelle rétrospective.
L’étonnant, c’est que vus ainsi, sans la pollution visuelle due à une scénographie aberrante (1), les documents (et il y en a 500 aux murs de l’Elysée! )reprennent leur sens sur le papier. Le laboratoire brouillon, où tout se voit mis au même niveau, fait place à l’ordonnance créée par la suite des feuillets. La trajectoire de l’artiste zurichois retrouve du coup sa continuité et sa cohérence. Je saisis maintenant les rapports entre les images. Je comprends les choix qui ont été pratiqués dans l’énorme masse de matériel (il y a ainsi 170 000 diapositives, jamais revues par leur auteur depuis leur développement!). Tout commence à prendre pour moi un sens.
La promenade et le feuilletage
Je me dis dès lorsque, dans l’entreprise actuelle de l’institution lausannoise, on a confondu deux genres. Un livre n’est pas une exposition, et vice-versa. Il n’y a guère de rapports entre une promenade faite debout parmi des œuvres et le feuilletage d’un bel album, pratiqué assis. Un accrochage ne doit pas s’inspirer du catalogue, où tout se voit montré petit. Il s’agit d’une réalisation presque indépendante. Moralité, l’Elysée a raté son exposition et réussi son catalogue. Reste bien sûr à savoir ce qui est le plus important des deux.
(1) A mon avis, du moins.
Pratique
«René Burri, L’explosion du regard», sous la direction de Mélanie Bétrisey et Marc Donnadieu, édité par le Musée de l’Elysée et Noir sur blanc, 232 pages.