
Raymond Depardon en Photo Poche? Comment, il n’y était pas encore? Je vous rassure tout de suite. Le photographe français le plus connu sans doute aujourd’hui s’y trouvait bien. Il y était depuis la sortie du numéro 81 de ce florilège naguère imaginé par Robert Delpire. Seulement voilà! A près de 80 ans, qu’il aura l’an prochain, l’homme a eu envie de revisiter une seconde fois le petit volume qui lui était consacré. Alors qu’il a autrement déjà sorti quelque septante livres divers, l’artiste n’en est pas encore arrivé aux volumes rétrospectifs. Un bon point. Trop de ses collègues, le temps venu, «revisitent» leurs archives, signe qu’il ne se passe plus grand-chose pour eux. Quand on ne peut plus aller de l’avant, on repart en arrière.

La version précédente avec l'hôpital psychiatrique San Clemente de Venise.
Que choisir? Que retenir? L’exercice n’est pas facile. La collection Photo Poche a fixé un cadre très strict. Toujours le même nombre de feuillets. Raymond Depardon a ainsi eu droit à 84 instantanés, vu qu’il a voulu un certain nombre de doubles pages. Il a dans une certaine mesure respecté la chronologie. C’est là un choix qui casse un peu les sujets, qui ainsi vont et viennent. Il existe peu d’œuvres aussi divers, pour ne pas dire hétéroclites, que celui de ce fils de paysans. Passé successivement par les agences Dalmas, puis Gamma (qu’il a cofondé), puis enfin Magnum, le reporter aura fait de tout, sauf des créations en studio. C’est un tous-terrains, formé à l’époque où la presse publiait beaucoup d’images d’actualité en noir et blanc. Notez, à ce propos, que Depardon n’a jamais abandonné complètement celui-ci. Grabels et Viols-le-Fort dans l’Hérault, comme La Muse dans l’Aveyron, photographiés en 2020, sont ainsi devenus des vues très graphiques, que la couleur aurait par trop adoucies.
Une envie de ralentir
Avec le temps, celui qui courait après les événements a en effet éprouvé l’envie de ralentir. Après être devenu cinéaste, ce qui ne se fait déjà pas en un tour de mains, il lui est venu l’envie de regarder la France qui décline et se meurt. Celle des exploitations agricoles condamnées parce que trop petites. Celle des agglomérations dont les commerces baissent définitivement le rideau. Il y a ainsi eu les missions de la DATAR. Puis sont venues, par à-coups, les recherches personnelles. A ainsi surgi un autre Depardon que celui regardant en 1981 New York palpiter pour une carte blanche estivale de «Libération». Ou celui qui partait, seul contre tous, tenter de retrouver Françoise Claustre, prise en otage dans le désert en 1973. Après tout, le Pas-de-Calais, vu dans sa nudité colorée en 2007, avait pour lui quelque chose de tout aussi exotique et de tout aussi inquiétant.

Un autoportrait de Raymond Depardon.
Il fallait bien sûr un texte introductif. Il est signé par Michel Guerrin, rédacteur en chef au «Monde». Il ne s’agit pas là d’une présentation un peu creuse destinée à faire joli. L’auteur, qui connaît bien l’œuvre, a rencontré le photographe. Les deux hommes se sont parlés. Il s’en suit une réflexion sur un observateur qui sait parfois quitter le «voyage utile» du photojournalisme pour «la quête du lieu acceptable». Tout spectaculaire disparaît alors au profit d’une attention portée sur le long terme. Les images ne dégagent plus de chocs. Elles donnent envie d’y entrer calmement. Il est permis s’y trouver là, en dépit de tout, une incertaine sérénité.
Pratique
«Raymond Depardon», présentation de Michel Guerrin, Photo Poche/Actes Sud, pages non numérotées.
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Raymond Depardon a remanié à nouveau le contenu du "Photo Poche" qui lui est consacré
Que retenir d'une carrière aussi éclectique? Le Français en garde 84 images qui vont du strict photojournalisme à l'observation d'une France qui se meurt.