Politiquement correct. Le Prix Turner a été décerné de manière collective à Margate
Les quatre candidats ont demandé à se voir récompensés ensemble. Le jury a dit oui à l'unanimité. Créée en 1984, la compétition tend à se diluer depuis quelques années.

Le quatuor composé d'Oscar Murillo, Tai Shani, Helen Cammock et Lawrence Abu Hamdam.
Crédits: KeystoneLe Turner Prize vient de se voir décerné. Créée en 1984, cette récompense n'a pas couronné cette fois un candidat, mais l'ensemble d'entre eux. Les quatre sélectionnés (il y a toujours quatre) en ont exprimé la demande au jury, qui a consenti à l'unanimité. «Plus politiquement correct,tu meurs», a écrit sur le site du «Figaro» Valérie Duponchelle, qui trouve pourtant d'habitude tout le monde et chaque chose génial. Il faut dire qu'on a ici poussé le bouchon très loin, même si le quatuor était composé (of course) de deux hommes et de deux femmes,de deux insulaires et de deux immigrés. Je vous donne à tout hasard leurs noms: Oscar Murillo, Tai Shani, Helen Cammock et Lawrence Abu Hamdam. Notez que Tai portait au micro un badge avec les mots «Tories Out». Je vous rappelle que le Grande-Bretagne votera sous peu. Si vous voulez mon avis, elle aurait dû écrire «Tories & Labour Out», les deux grands partis traditionnels s'étant montrés aussi nuls l'un de l'autre pour gérer la crise actuelle du Brexit.
Il y a bien sûr un message. auquel la décision surprise des jurés assure une large médiatisation (la preuve, je vous en parle!) internationale. Je vous en donne l'essentiel. «En cette période de crise politique en Grande-Bretagne et dans le monde entier, où il y a déjà énormément d'éléments qui divisent et isolent les personnes et les communautés, nous nous sentons fortement motivés de profiter de l'occasion du Prix pour faire une déclaration collective au nom du commun, de la multiplicité et de la solidarité, dans l'art comme dans la société.» Dans ce cas-là, on peut se demander pourquoi les membres du quatuor ont accepté de se retrouver candidats. Il est permis de se tenir à l'écart d'une compétition aussi agressive entre plasticiens.Il n'y a après tout en temps normal qu'un seul vainqueur.
Le temps d'Antony Gormley
Le PrixTurner était très important à ses débuts. Il dérape depuis quelques années. L'exposition n'a plus lieu à la Tate Britain de Londres qu'un an sur deux. Il faut favoriser les régions, ce qui explique que je n'aie pas vu la sélection 2019, proposée à Margate. Les facteurs extra-artistiques sont devenus déterminants.En 2017, le Prix avait été obtenu par Lubaina Himid, une Anglo-Tanzanienne sexagénaire, alors que le prix est réservé aux moins de 50 ans. En 2018, édition entièrement composée de vidéos,c'est Charlotte Prodger, une Ecosssaise «queer», qui avait remporté la timbale. Je souhaite à toutes deux de faire carrière, mais le prix Turner ne sert visiblement plus à cela. Il est loin le temps où Antony Gormley recevait le Turner en 1994. L'homme fait aujourd'hui le plein à la Royal Academy. Plus un billet à vendre. Je n'ai pas réussi à rentrer.

S'il fallait conclure, je le ferais néanmoins de manière inattendue. Je ne vois rien d'audacieux dans la demande actuelle de tous se voir primés. Nous sommes dans l'air du temps. Ce qu'il aurait en fait fallu octroyer à la bande des quatre, c'est le prix du conformisme.Eh oui!
P.S. J'ai réparé ce texte tant que mal. En ce moment notre site fonctionne encore plus mal que d'habitude.