C'est une star. Pour le grand public, Sebastião Salgado représente la photographie, avec bien sûr Yann Arthus-Bertrand, le monsieur qui voit les choses de haut. Normal donc que la nouvelle œuvre du Brésilien, qui lui aura tout de même pris dix ans de sa vie, bénéficie en 2013 d'un accueil planétaire. Il existe au moins trois versions de «Genesis» (aucun rapport avec le groupe rock du même nom). L'Elysée de Lausanne a ainsi pu vernir la sienne quelques jours avant le Maison européenne de la photographie de Paris.
De quoi s'agit-il? Laissons parler l'intéressé. «Dans «Genesis», j'ai suivi le rêve romantique de vouloir retrouver et partager un monde primitif, trop souvent invisible et hors d'atteinte. Je voulais simplement montrer la nature dans sa splendeur partout où je pouvais la trouver.» Une recherche de racines, donc. Il s'agissait de revenir aux origines, avant que l'homme intervienne. On sait que celui-ci a fini par presque tout coloniser. Nous sommes aujourd'hui quelques milliards de trop. Le visiteur entrant dans le musée lausannois l'aura vite compris. La Terre inviolée ne subsiste que là où il fait trop chaud ou trop froid pour les humains.
Déserts et banquises
Tout commence donc avec des banquises dans l’exposition mise au point par Lelia Wanick Salgado, l'épouse interventionniste de l'artiste. Ce ne sont que manchots à jugulaires, morses et terres gelées. En face, l'Afrique apparaît rabougrie. Il suffit de lire les étiquettes. Si les oiseaux de mer antarctiques se comptent par millions, certains singes rares n'existent plus qu'à quelques centaines d'exemplaires. Le braconnage finira par les balayer. La pression urbaine, financière et alimentaire constitue à notre époque de véritables rouleaux compresseurs. Le Brésil, d'où viennent les époux Salgado, se meurt de la déforestation et de la sur-culture du soja.
Les déserts jouent aussi un grand rôle dans «Genesis». L'artiste peut composer de belles images presque abstraites de dunes. L'humain ne joue dans ce cycle photographique qu'un rôle marginal, contrairement à ce qui se passait dans les entreprises précédentes de Salgado, comme «La main de l'homme» (1993) ou «Exodes» (2000). L'intéressé s'en rend pleinement compte. Il l'assume. «Avant, le seul animal que je photographiais, c'était nous.»
Dramatisation de l'image
L'accrochage se révèle dense. Il y a 240 images, dont certaines ont été tirées très grand. Autant dire que les murs de l'Elysée, repeints (parfois en rouge) pour l'occasion, apparaissent bien garnis. Il faut dire qu'il y a cinq sections, correspondant au livre édité par Taschen. Est-ce la fièvre de la jungle? Ce dernier existe dans une version atteinte d'éléphantiasis. La maison germanique y est allée de son «sumo», livré avec lutrin. Trente bons kilos. Dix mille dollars la version de luxe. Quatre mille celle pour public populaire. Il faut bien alimenter la fondation Salgado, qui s'occupe de reverdir une petite partie du Brésil. Deux millions d'arbres déjà replantés.
Prises depuis 2004, les images restent en noir et blanc. Sage précaution. Le même sujet, en couleurs, semblerait sorti de la revue «National Geographic». Il y a bien sûr d'innombrables effets de tirage, créant des taches lumineuses ou dramatisant le ciel. Déjà très travaillées par leur composition, les photos ressemblent ainsi à des tableaux. Tout semble trop beau pour être vrai. Cet esthétisme irritait au plus haut point cette puritaine du 8 e art qur restait la théoricienne Susan Sontag (1933-2004). Cette dernière parlait de «l'inauthenticité du beau» à propos du Brésilien, qu'elle abhorrait. Une vision pour le moins tristounette de l'art, mais la dame n'était pas une rigolote.
Il n'en faut pas moins reconnaître que de tels truquages augmentent fortement l'impact de certains clichés. Le somptueux iceberg de l'entrée, que semble dominer une formidable tour de glace, se grave dans la mémoire, comme certains portraits de danseurs issus de tribus indonésiennes ou des vues d'Ethiopie. Un photographe n'est pas qu'un homme pressant sur un bouton. Et après tout, à l'Elysée, nous ne sommes pas à Perpignan, qui constitue début septembre le fief du photo-reportage. Les morses et les gorilles ne se formaliseront pas trop des traitements que Salgado leur aura fait subir!
Pratique
«Genesis, Sebastião Salgado», Musée de l'Elysée, 18, avenue de l'Elysée, Lausanne, jusqu'au 5 janvier. L'institution présente en sus «Paolo Woods, STATE» sur Haïti. Tél. 0021 316 99 11, site www.elysee.ch Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h. Maison européenne de la photographie, 5-7, rue de Fourcy, Paris, jusqu'au 5 janvier. Tél.000331 44 78 75 00, site www.mep-fr.org Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 20h. Photo (Amazontas Images / DR): le grand iceberg qui accueille les visiteurs à l'entrée.
Laurence Schmidlin dirigera le Cabinet des estampes vaudois à Vevey
Il y a un an, en septembre dernier donc, le Musée Jenisch de Vevey subissait un séisme. Le directeur Dominique Radrizzani rendait son tablier moins de deux mois après la réouverture de l'institution après travaux. Il était suivi peu après par Lauren Laz, conservatrice des estampes. Deux postes se retrouvaient vacants, tandis que chacun se posait des questions sur le pourquoi du comment. Des bruits filtraient. On parlait notamment d'une mésentente avec la municipale chargée de la culture. Une dame qui aurait des problèmes avec plusieurs institutions locales.
Au bout d'un certain temps, Julie Enckell Julliard, l'adjointe de Dominique, se voyait nommée directrice ad interim. On sait qu'elle a été depuis confirmée dans ce poste. Restait la gravure. Il y avait de nombreux candidats. Vevey a de nouveau favorisé l'interne, contrairement à ce qui se fait à Genève, où l'on va chercher en France des gens qui posent souvent beaucoup de problèmes par la suite. A en effet été désignée Laurence Schmidlin, qui avait déjà un pied dans la maison. Son mandat commence le 1 er octobre 2013.
Un bel itinéraire romand
Laurence est née en 1982. Elle a fait ses études d'histoire de l'art à Genève. La jeune femme, qui termine sa thèse, a œuvré à l'Hermitage de Lausanne, Forde à Genève, au Musée des beaux-arts du Locle ou à Fri-Art (comme Fribourg, donc), après avoir débuté au Cabinet des arts graphiques du Musée d'art et d'histoire de Genève, qui s'appelait alors encore le Cabinet des estampes. Elle devient donc aujourd'hui directrice d'un cabinet cantonal, aux belles collections, logé dans un musée municipal. L'élue se retrouve parallèlement directrice adjointe. Sa première tâche sera de mener à bien l'exposition «Dürer et la suisse», annoncée par le Musée Jenisch.
Le prière d'insérer brandit bien sûr les grands mots, qui ne fournissent pas forcément les grands remèdes. Il est dit que Laurence s'interroge sur la notion de médium et qu'elle favorise l'intermédialité. Bigre!
Prochaine chronique le samedi 28 septembre. Un peu d'exotisme, Paris! Braque y est montré dans un abusif concert de louages. Que voir d'autre?
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PHOTO / Salgado superstar à l'Elysée