Un coup de flash en pleine gueule. Ce type de photographie constitue une mise en lumière de ce qui devrait dans l'ombre. La presse dite "people" raffole de ces images volées, qui assurent la survie actuelle de nombre de journaux. Qui ne feuillette pas, d'un doigt parfois amusé, "Voici", "Paris-Match" (qui fut pourtant jadis un hebdomadaire respectable) ou "Closer"?
Les paparazzi eux-mêmes sont à la mode. Deux expositions, à Paris et à Metz, le prouvent à nouveau. Il y a pourtant longtemps que l'on tire sur la corde. Leur célébrité est née avec "La Dolce Vita" de Fellini, en 1960. Plusieurs légendes courent sur l'invention du mot italien. Celui-ci recouvrait une réalité établie à Rome depuis la fin des années 1940. Reprenant les techniques brutales du reporter américain Weegee, mais sans son talent, des photographes se sont alors mis à traquer les stars étrangères égarées dans la Ville éternelle. Leur première victime de choix fut Ingrid Bergman en 1949. L'actrice vivait une folle passion avec le cinéaste Roberto Rossellini, alors qu'elle était épouse et mère à Hollywood. Les temps étaient différents. La Suédoise mit dix ans à s'en relever. Son public l'avait rejetée.
Une sourde nostalgie
Rome vivait des années d'or. Comme vers 1630, comme autour de 1780, elle était redevenue la "caput mundi". Une métropole où confluait les artistes du monde entier. Cinecittà servait de refuge aux stars internationales en perdition. Beaucoup voyaient les tournages en Italie comme de grandes vacances, où tout devenait permis. Les paparazzi n'avaient qu'à attendre le moment propice. "La Dolce Vita" ne forme, après tout, qu'un génial collage de scènes réelles. Anita Ekberg avait bien pris un bain dans la Fontaine de Trevi que Fellini reconstitua ensuite, glamour en plus.
Ces temps bénis (sauf par l'Eglise!) ont pris fin vers 1970. Il en est resté une sourde nostalgie. Il y a une quinzaine d'années, le Palazzo dei Esposizioni de Rome pouvait consacrer une immense et magnifique manifestation aux années 50 dans la cité. Il y avait de tout, de la haute couture aux modèles de Vespa. Et bien sûr des photos. Tazio Secchiaroli pouvait du coup jouer les artistes. C'était devenu un créateur. L'homme allait avoir droit à plusieurs rétrospectives par la suite, comme certains de ses confrères. L'instantané montrant Anita Ekberg, moderne amazone, tirant de (vraies) flèches sur ses pourchasseurs allait devenir mythique.
Le duo Mouron-Rostain à Paris
Ce sont pourtant deux Français qui bénéficient d'un nouvel hommage à la Maison européenne de la Photographie (MEP) de Paris. Celle-ci avait déjà accueilli le tandem Bruno Mouron-Pascal Rostain en 2007. Le Parisien Mouron, né en 1954, et le Breton Rostain, son cadet de cinq ans, ont débuté à "Match". Ils ont fondé en 1986 leur propre agence, Sphinx. Signés en commun, leurs clichés montrent bien sûr des "people". Orson Welles cabotinant dans sa voiture. Mick Jagger plus ou moins éméché. Romy Schneider encore sage. Comme toujours à "Match", le spectateur ne sait pas où cesse la complicité du modèle, à l'affût de publicité, et où commence l'outrage.
Le tandem est descendu depuis d'un degré. Il fait, au propre cette fois, les poubelles. Notamment celles des vedettes. Dis-moi ce que tu jettes et je te dirai qui tu es. Il est convenu, en terme noble, de parler de rudologie. "Rudus", en latin, signifie déchet. Notons cependant que le duo ne montre pas les détritus tels quels. Il en fait des natures mortes tenant de la leçon d'anatomie. Chaque objet se voit méticuleusement isolé des autres.
Une gigantesque exposition à Metz
Il y a donc des stars et des poubelles dans l'actuelle exposition de la MEP. A vrai dire, il s'agit d'une des manifestation secondaires de l'institution. La vedette va cette fois ici à Martin Parr, qui propose son paresseux et prévisible reportage sur Paris. "Famous" a néanmoins trouvé son public. Le sujet importe davantage que le traitement. Comme au Palazzo dei Esposizioni naguère, la nostalgie joue un rôle essentiel. Gainsbourg et Deneuve ensemble, voilà qui appartient à l'histoire d'une génération aujourd'hui (au mieux) quinquagénaire.
C'est l'ensemble de cette esthétique du "trash", plus l'analyse de l'attrait actuel pour le "low" que propose le Centre Pompidou à Metz. Contrairement à ce que suggère le titre, "Paparazzi" ne se limite pas aux intéressés. Spectaculaire, l’accrochage montre à quel point cette vision agressive, déformante, rapide, dénigrante de l'actualité a modifié notre perception visuelle. Dès les années 1960, le grand Richard Avedon concevait un sujet de mode comme une mise en scène, où des vedettes tentent d'échapper à leurs poursuivants. Des plasticiens se sont plus tard engouffrés dans cette brèche. Il suffit de citer Andy Warhol, Cindy Sherman ou Sophie Calle.
Volonté affichée d'accrocher le public
Ce beau monde se retrouve aux murs pour une exhibition (600 œuvres!) à la vulgarité assumée. Ce n'est pas le raffiné qui séduit de nos jours. Notons que le commissariat de "Paparazzi" s'est vu conjointement assuré par Sam Stourdzé, de l'Elysée, par Clément Chéroux, de Beaubourg, et et par Quentin Bajac, du Museum of Modern Art de New York. En délicatesse financière, Pompidou-Metz espère ainsi se refaire une bonne mine. Notons que l'institution dispose désormais d'une collection semi permanente, à la demande de la ministre française de la culture. Des tableaux un peu costauds se voient présentés jusqu'au 2 mars sous le nom de "Phares". Et, dès le 24 mai, le musée proposera "1984-1999, La décennie". On verra bien ce qui se cache sous ce titre à l'étrange compabilité...
Pratique
"Famous, Bruno Mouron et Pascal Rostain", Maison européenne de la Photographie, 5-7, rue de Fourcy, Paris, jusqu'au 25 mai. Tél. 00331 44 78 75 00, site www.mep-fr.org Ouvert du mercredi au dimanche de 11h à 19h45. "Paparazzi, Photographes, stars et artistes", Pompidou-Metz, 1, parvis des Droits-de-l'Homme, jusqu'au 9 juin. Tél. 00333 87 15 39 39, site www.centrepompidou-metz.fr Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 11h à 18h, le samedi de 10h à 20h, le dimanche de 10h à 18h. L'exposition ira ensuite à Francfort. Photo (Bruno Mouron et Pascal Rostain): Orson Welles dans sa voiture. Une victime ici consentante.
Prochaine chronique le dimanche 11 mai. Genève a tenu son colloque sur 1814. J'y étais.
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PHOTO / Les paparazzi entrent au musée par la grande porte