PERFORMANCE/Piotr Pavlenski met le feu à la Banque de France

Seigneur, on en lit des choses dans le journal! «Le Monde» raconte ce 16 octobre sur son site (et sans doute dans ses pages du numéro de mardi) comment Piotr Pavlenski a mis le feu la nuit de dimanche à lundi à la Banque de France. Non! Pas son quartier général tout de même, qui occupe un énorme quadrilatère près de Louvre. Il s'agit de sa succursale de la Bastille. Il faut dire que le performeur aime les actes forts et symboliques. Il a donc expliqué, après avoir aspergé d'essence et incendié un bout de façade, que «la renaissance de la France révolutionnaire déclenchera l'incendie mondial des révolutions.» Et où mieux le faire comprendre qu'à la Bastille, je vous le demande?
Si tout le monde l'a vu et entendu depuis, c'est parce que le Russe, débarqué en France début janvier et au bénéfice d'un statut de réfugié depuis mai, a pris ses précautions. Il se trouvait comme par hasard sur place des journalistes et des photographes. Ils ont pu tout montrer et tout conserver pour la postérité. C'est «Le Monde» qui a accueilli les images, et non «Libération» dont c'est pourtant davantage le style, pour ne pas dire la tasse de thé. Le quotidien n'a pas eu à s'en repentir. C'est la nouvelle du jour la plus consultée et la plus partagée par ses lecteurs.
Oreille coupée
Mais peut-être que vous ne connaissez pas Pavlensky? Trente-trois ans, né à Saint-Pétersbourg, ce dernier a remis au goût du jour l'actionnisme le plus violent inventé par les Viennois des années 1960-1970. Il s'est tranché un bout d'oreille, mais pas comme van Gogh. A l'instar de la performance où il s'est cloué les testicules sur la Place Rouge de Moscou en faveur des homosexuels menacés par le régime Poutine, il s'agissait là d'un geste politique. Idem pour le reste, en commençant par des actions en faveur des Pussy Riots. C'est ce qui rend l'acte ayant causé sa fuite de Russie peu compréhensible. Piotr et son épouse Oksana Chaliguina auraient (conditionnel) violemment agressé une actrice d'un théâtre pourtant très à gauche.
Benoît Vikine, qui signe l'article du «Monde», s'interroge sur la suite. Consciemment, voire volontairement, Pavlenski met la France en difficultés tout en justifiant la sévérité russe à son égard. Soit le gouvernement Philippe passe l'éponge, soit il condamne. Dans les deux cas, le régime Poutine sort gagnant. Mais peut-être le performeur se situe-t-il avec obstination dans le clan des perdants? Refusant à Paris l'aide sociale à laquelle il a droit, il squattait et volait sa nourriture, «pour faire comme la plupart des Français.» Ce serait donc dans la logique de son histoire. Une histoire à suivre...
Photo (AFP) Piotr Pavlenski il y a quelques mois.
Texte intercalaire.