Les «jeunes fauves», qui avaient rénové la peinture figurative allemande dans les années 1970-1980, ont pris de l'âge. Ils commencent à disparaître de la scène. On a ainsi appris le 5 mai que Ralph Winkler, dit AR Penck, s'était éteint le 2 mai à Zurich. Il avait 77 ans. Il rejoint ainsi Martin Kippenberger, disparu dès 1997 ou Jörg Immendorf, décédé dix ans plus tard. Sigmar Polke s'est pour sa part éteint en 2010.
Winkler était de Dresde, où il avait vu le jour en 1939, date fortement connotée. Une ville par ailleurs lourdement marquée par l'histoire, après le pire bombardement de la Deuxième Guerre mondiale. Ce dernir avait fait en févier 1945 entre 60 000 et 300 000 morts selon des estimations extrêmement divergentes. Winkler a commencé par faire de la publicité dans un atelier d'Etat en Allemagne démocratique (donc soumise au joug communiste). Il a toujours été refusé comme élèves par les écoles formant les jeunes dans la ligne du réalisme socialiste, que ce soit à Dresde, ou à Berlin-Est.
Travail sous pseudonyme
C'est en 1966 qu'il a adopté le pseudonyme de AR Penck (1), ses œuvres non-conformistes connaissant de plus en plus de problèmes de censure. Ceux-ci se doublèrent bientôt de difficultés avec la STASI, ou police politique. En 1977, ses tableaux se virent ainsi saisis à la douane. Il faut dire que l'homme se voyait déjà très courtisé par le monde de l'art contemporain à l'Ouest. Comble du malheur, son atelier s'est écroulé la même année, détruisant une partie de sa production.
La rupture devenait inévitable. Encore fallait-il obtenir le permis d'émigrer. Ce fut chose fait en 1980. Penck s'installa alors à Cologne, la ville germanique la plus «arty» du moment. C'est là, puis en Angleterre dès 1983, qu'il a développé un art singulier. Il emprunte beaucoup à la préhistoire (1) ou, plus près de nous, aux dessins aux doigts du Suisse Louis Soutter. A cette différence près qu'il s'agit de toiles immenses, dans ce goût du monumental qui se mettait alors en place. Dans des expositions individuelles ou collectives, Penck a ainsi trouvé sa place dans les plus grosses galeries (dont celle de Michael Werner) et les institutions muséales. Je me souviens ainsi d'une belle rétrospective au Kunsthaus de Zurich en 1988. Les créations de Penck gagnent à se voir regroupées de manière un peu massive. Elles produisent alors ce que j'appellerais un «effet grotte de Lascaux».
Exposition acctuelle à Vence
La Fondation Maeght, à Saint-Paul-de-Vence, a inauguré le 18 mars la plus grande exposition actuelle consacrée à l'artiste allemand (2). Penck n'avait déjà pas pu assister au vernissage de cette manifestation, où il propose des sujets bien plus colorés que naguère, quand dominaient les silhouettes noires. Le public peut constater que son art, comme celui de Markus Lüpertz (et contrairement à celui de Georg Baselitz, un autre transfuge de la RDA) a su tenir le cap, au fil des décennies. Penck, c'est fort. C'est solide. Cela donne un choc. Et cela même si l'on n'aime pas.
(1) Le vrai Penck, mort comme par hasard en 1945, était un préhistorien spécialisé dans les époques glaciaires. - (2) Elle dure jusqu'au 18 juin. J'avoue ne pas l'avoir vue.
Photo (AR Penck/Fondation Maeght, Saint-Paul-de-Vence) L'une des toiles proposées dans l'actuelle exposition consacrée à Penck.
Texte intercalaire.
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PEINTURE/Grand nom de l'art allemand, AR Penck s'est éteint mort à 77 ans