Patrick Cramer expose cette fois l'Espagnol Antonio Saura en format unique: "41 x 31"
Les oeuvres sont des peintures sur papier exécutées entre 1993 et 1997, un an avant la mort de l'artiste. Un somptueux catalogue accompagne cet accrochage au ton austère.

Le carton d'invitation de l'exposition, initialement prévue pour mars.
Crédits: Succession Antonio Saura, Galerie Patrick Cramer, Genève 2020.C’est l’éternel retour. Patrick Cramer revient une fois de plus à Antonio Saura (1930-1998). Il y a plusieurs raisons à cela. Le peintre espagnol, qui était lié à notre ville, possède sa fondation à Meinier, en pleine campagne genevoise. Il a beaucoup produit, en dépit de longues maladies. L’artiste reste enfin très en vue. Il n’a pas connu de purgatoire comme d’autre en subissent, même de leur vivant d’ailleurs. Le public a donc gardé dans l’œil sa manière inimitable de faire cohabiter des noirs noirs, des gris et des blancs. Celui qui a consacré une longue série au «chien de Goya» a toujours eu la couleur un peu austère.
Pour cette nouvelle présentation du peintre, le galeriste a cette fois choisi des pièces faisant toute les mêmes dimensions. D’où le titre, «41 x 31». La taille de la feuille. Nous sommes en effet ici dans le domaine du papier. Saura était un adepte convaincu du Lanaquarelle, produit parla papeterie Lana, aujourd’hui disparue. Il s’agissait là d’une matière lourde (300 grammes), tirée du pur coton. Gélatinée en surface. Autrement dit résistante. Le Lanaquarelle supportait sans peine plusieurs couches d’acrylique, en plus de la gouache ou de lamine de plomb. Saura achetait donc cette matière première par blocs de 25 grandes feuilles.
Une frénésie créatrice
Les œuvres présentées dans l’espace en deux parties (il y a un couloir et un grand bureau derrière la galerie visible de la rue du Vieux-Billard) ont été exécutées entre 1993 et 1997. Leur auteur sortait d’une opération, suivie d’une convalescence. Resté deux ans sans travailler, Saura est alors saisi d’une frénésie créatrice. Il entreprend de front plusieurs chantiers papier, dont la série «Nulla dies sine linea» (aucun jour sans un trait), qui restera inachevée. Il devait y avoir 365 œuvres tirées quotidiennement d’une image de presse. Il n’en existera au final que 218. Un certain nombre de pièces, aujourd’hui alignées à Genève comme une longue bande sur les murs, est issu de cette suite. Les différentes œuvres se sont ici vues classées par sujets, presque toujours sombres. Il y a les vanités, les foules, les processions, les crucifixions ou les suaires. Difficile de se détacher de l’atmosphère mortifère et doloriste qui régnait en Espagne au temps (qui semble maintenant bien lointain) du général Franco!
Si l’ensemble de77 réalisations reste bien sûr sans surprise sur le plan des thèmes abordés, il y a toujours là l’économie et la maîtrise d’Antonio Saura. Une leçon de peinture même si nous sommes théoriquement, à cause du support, dans le monde du dessin.
Pratique
«Saura 41 x 31», galerie Patrick Cramer, 2, rue du Vieux-Billard, Genève, jusqu’au30 juin. Tél. 022 732 54 32, site www.cramer.ch Ouvert du lundi au samedi de 10h à 18h30. Le samedi jusqu’à 17h. Magnifique catalogue, coédité par les Archives Antonio Saura, avec une introduction d’Olivier Weber-Caflisch, 120 pages.