PARIS/Le Vaudois Eugène Burnand au Musée de la Légion d'Honneur

Si, si, c'est bien lui! Eugène Burnand (1850-1920) se voit honoré à Paris par le Musée de la Légion d'Honneur, dont l'entrée fait face à celle du Musée d'Orsay. Le Vaudois ne se retrouve pas tout à fait à l'affiche pour son talent. L'institution détient ses 100 portraits de soldats alliés dessinés à la fin de la Première Guerre mondiale. Or nous en arrivons, ou presque, à la commémoration de l'armistice du 11 novembre 1918. Et le Musée constitue une sorte de strapontin à celui de l'Armée, situé aux Invalides.
Les cent pièces graphiques très finies, tracées entre 1917 et 1921 par Burnand se trouvent donc en permanence accrochées. Leur présentation en sous-sol n'a pas été modifiée pour l'occasion, ce qui semble dommage. Nous sommes ici dans l'archéologie de la muséographie. Deux rangs d'oignons. Un vague éclairage uniforme, qui a au moins eu le mérite de ne pas avoir insolé les œuvres. Des décorations militaires dans une vitrine centrale. Ont juste été ajoutés quelques tableaux comme le célèbre «Pierre et Jean courant à la tombe le matin de la Résurrection» de 1898, acheté à l'époque par l'Etat français. Il faut dire que la toile n'a pas dû beaucoup voyager pour arriver là. Elle vient d'Orsay, qui l'accroche en quasi permanence.
Une nouvelle étude historique
Les 100 portraits ont fourni l'occasion de publier un nouveau livre, édité par Favre. Il est bien sûr dû à Olivier Kaenel, spécialiste de l'artiste. Une contribution de Frédérique Burnand, présidente du musée consacré par Moudon à l'un de ses natifs les plus connus, complète la parution. Kaenel raconte la vie d'un artiste partagé entre la Suisse et la France, fidèle à une vision protestante de l'existence et dont le succès s'est vu entaché les dernières années. Au moment où Burnand cherche pour sa grande entreprise des soldats non seulement français, anglais, italiens ou russes mais encore indiens, américains, roumains ou tahitiens, c'est devenu un paria. Lui qui avait refusé en tant que membre de commissions les artistes s'écartant de la norme académique s'est vu interdit à son tour de cimaises officielles par les hodlériens désormais au pouvoir...
Assez court, le livre comporte le «liber veritatis» où le peintre raconte son entreprise presque ethnographique. Tout a commencé en novembre 1915 par une idée. L'album n'a paru qu'en 1922. Un peu tard. L'artiste était mort depuis deux ans. Notez qu'il aura au moins vécu un miracle. Comme la première version de «Labour dans le Jorat» en 1916, le contenu de son atelier a été détruit par un incendie en 1919. Ont étrangement échappés au feu les portraits, à l'exception de quelques-uns. Il est permis de les voir en eux, avec leur technique solide, le sérieux de l'inspiration et le goût classique, le chant du cygne d'un certain genre. Et cela même si les sanguines ethnographiques (Asie et Afrique) d'un homme comme Alexandre Iacovleff ont poursuivi la veine jusqu'au début des années 1930.
Pratique
«Cent portraits pour un centenaire», Musée de la Légion d'Honneur, 2, rue de la Légion-d'Honneur, Paris, jusqu'au 11 février. Tél. 00331 40 62 84 25, site www.legiondhonneur.fr Ouvert du mercredi au dimanche de 13h à 18h. «Eugène Burnand, La passion de peindre» de Philippe Kaenel et Frédérique Burnand aux Editions Favre, 124 pages.
Photo (Musée de la Légion d'Honneur): Un spahi d'afrique du Nord.
Texte intercalaire.