C'est le destin de nombreux musées privés, qui doivent en bonne partie compter sur les entrées pour (sur)vivre. Il leur faut constamment racoler les foules en brandissant des noms célèbres. Dirigée par Marc Restellini, la Pinacothèque de Paris vient de passer de Cléopâtre au Kama-Sutra. Fondé par la défunte Dina Vierny, qui fut il y a bien longtemps le modèle de l'illustre sculpteur, le Musée Maillol propose "Les Borgia et leur temps". Il s'agit de battre le fer pendant qu'il est chaud. Il y a le feuilleton, que dis-je les feuilletons TV! L'actuelle exposition comprend du reste quelques costumes créés pour la série de Tom Fontana (1).
Tout est donc fait pour attirer le chaland. Campagne d'affichage. Publicité sur les bus. César, Lucrèce et le pape Alexandre VI (on oublie régulièrement son oncle Callixte III, pontife avant lui) se retrouvent mis au goût du jour, avec applications et produits dérivés. Après, tout, pourquoi pas? L'important est de proposer un bon produit. L'histoire, bien malmenée par les écoles, doit en plus se voir remise en selle, même s'il est clair que le Musée Maillol constitue plutôt le fief du public d'un certain âge, voire d'un âge certain.
Un décor discutable
Claudio Strinati s'est chargé du commissariat de la manifestation, apparemment dotée d'une budget confortable. Il a dû jouer avec les contraintes du lieu. Si le musée occupe un site admirable, puisqu'il est situé juste derrière la fontaine de Grenelle, chef-d’œuvre sculpté par Bouchardon sous Louis XV, la maison se révèle biscornue au possible. Avec de terribles murs porteurs. Autant dire qu'il faut adapter le contenu au contenant et non le contraire, comme il devrait rester d'usage en art.
Hideux, le décor n'arrange rien. Au dessus des vrais portraits des protagonistes, dans la grande salle du rez-de-chaussée (enfin, de leurs effigies supposées), il y a ainsi les photos en couleurs de ceux qui manquent, dans un encadrement supposé Renaissance. La classe! Ailleurs, peintures et objets sont rentrés comme ils peuvent. On en oublie presque qu'il y a là des pièces insignes. Je citerai le portrait de Savanarole, le moine réformateur (qui a fini brûlé), par Fra Bartolomeo, venu de Florence. Ou de quelques panneaux d'Antoniazzo Romano, le plus grand peintre romain vers 1490. Il faut de bons yeux pour trier le bon grain de l'ivraie.
Le Michel-Ange surprise
Pourquoi alors parler d'une manifestation à ce point inégale? Parce qu'elle illustre un phénomène inquiétant. Au milieu de chefs-d’œuvre bien connus se glissent des moutons noirs. Il en allait déjà ainsi dan le Canaletto du Musée Maillol. De quoi est-ce que je veux parler? De tableaux en quête de respectabilité, vu leur autographie discutable. Il apparaît ainsi ici une "Pieta", donnée (avec un point d'interrogation, il est vrai) à Michel-Ange. Cette terre cuite, appartenant à un particulier, a été reconnue comme originale par quelques experts, dont l'Italienne Mina Gregori. Elle se retrouve ici près de dessins indiscutables prêtés par la Casa Buonarotti de Florence, ce qui permet des amalgames. Rappelons qu'on "découvre" environ un Michel-Ange par an, dont on entend rarement reparler ensuite...
L'exposition se termine plus sagement sur la postérité des Borgia, de Victor Hugo au bédéiste Manara, en passant par le cinéma. Un aspect sabordé au Musée Maillol vu le peu de place et la mauvaise qualité de l'image et du son des copies présentées en sous-sol. D'innombrables actrices ont incarné Lucrèce. Les organisateur en ont oublié beaucoup, de Liane Haid (version muette) à Olinka Berova (version érotique). Les Française se taillent ici la part de la lionne avec Edwige Feuillère (Abel Gance, 1935) et Martine Carol (Christian Jacques, 1953). Toutes deux les seins à l'air.
Je terminerai sur une note positive. L'exposition a aussi permis de restaurer sept tableaux des années 1500. Ils ne l'auraient sans doute jamais été autrement. Saluon la chose qui, à mon avis, excuse (presque) tout.
(1) Chic! Je n'ai du coup pas besoin de raconter l'histoire.
Pratique
"Les Borgia et leur temps", Musée Maillol-Dina Vierny, 59-61, rue de Grenelle, Paris, jusqu'au 15 février. Tél. 00331 42 22 59 58, site www.mueseemaillol.com Ouvert tous les jours, de 10h30 à 19h. Photo (DR): Martine Carol en Lucrèce Borgia (1953). La statue évoquée est le nu de Pauline Borghèse taillé par Canova vers 1800. Liberté artistique...
Prochaine chronique le dimanche 26 octobre. Venise rend hommage à Tomaso Buzzi, verrier raisonnable et architecte fou du XXe siècle.
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PARIS/ Le Musée Maillol et les Borgia