
S’il fallait caractériser la production de Jean-Marie Delaperche (qui domine sans mal celles de sa mère et de son frère), ce serait par son goût de l’accumulation. Sur ses grandes feuilles, où la gouache blanche vient rehausser les lavis bruns, se bouscule un monde de personnages. Ils s’agitent et se superposent en se livrant au grand théâtre de la vie. Ces gens le font même si nous sommes avec eux en pleine allégorie. Les attitudes en deviennent souvent outrées. Les situations ne peuvent se révéler que paroxystiques. Nous ne nous situons plus dans le drame, mais dans le mélodrame.
Delaperche appartient à une génération d’artistes et d’architectes qui ont essentiellement oeuvré sur papier. Le paradoxe veut que les hommes (et quelquefois les femmes) ayant travaillé avant, pendant et juste après la Révolution aient vu très grand, alors même que les commandes se raréfiaient. D’où la multiplication des dessins-tableaux et des bâtiments monumentaux rêvés à grands coups de règle et de compas. On pourrait faire des parallèles entre des bâtisseurs de fantaisie comme Boullée et ce Lequeux récemment honoré par le Petit Palais parisien et d’innombrables peintres allant de l’Arlésien Réattu au Genevois Saint-Ours, en passant parle Lyonnais Hennequin. Des gens qui ont finalement peu produit en taille réelle.
Sujets complexes
Les sujets de Delaperche sont compliqués. Conscient sans doute de la chose, leur auteur a du reste écrit de longues tisanes explicatives au verso. Du moins pour les pièces les plus élaborées. Pour les autres, le doute demeure. Certains dessins plus modestes pourraient ainsi avoir été tirés de pièces russes difficiles à identifier. L'histoire et la mythologie ont aussi fourni leur contingent de thèmes, plus aisément reconnaissables. Notons qu’il faut cependant parfois un peu d’imagination. «Les adieux de Louis XVI à sa famille» au moment de son départ pour l’échafaud se détournent ainsi de tout réalisme, voire de toute vraisemblance. Il s’agit, à tous les sens du terme, de faire tableau.

Une scène révolutionnaire, vue par un contre-révolutionnaire. Photo Musée des beaux-arts, Orléans 2020.
L’Orléanais aujourd’hui fêté par sa ville possède une solide formation. Il échappe cependant, volonté ou non, à tout académisme. Delaperche appartient à ces singuliers, à ces irréguliers, que l’on retrouve tout au long de l’histoire de l’art, version française. Il y a eu avant lui Lafage, Boitard et ce Focus avec lequel l’Ecole supérieure nationale des beaux-arts parisienne a fait un triomphe médiatique. L’air de notre temps est aux excentriques, et Focus était franchement fou. Delaperche se situe par ailleurs dans les mêmes années que Gibelin ou Jean Broc. Il faudrait une fois organiser une grande exposition autour de ceux qui furent en fait des dissidents du néo-classicisme.
Un tempérament singulier
Jean-Marie Delaperche fut-il pour autant un grand artiste? C’est l’habituelle question-piège. Sans doute pas, et c’est sans doute tant mieux. Dans son inégalité, dans ses outrances, dans ses extravagance, l’homme révèle en effet son tempérament singulier. Une réelle personnalité, dont l’intégralité de l’œuvre a bien failli disparaître. En dehors du fonds acquit depuis 2017 par le Musée des beaux-arts d’Orléans, peu de ses feuilles ont en effet été découvertes à ce jour. Orléans en présente une ou deux. Une grande «Mort de Priam», curieusement donné par le catalogue de vente à Regnault, a passé aux enchères il y a environ vingt ans. C’est peu. A moins que l’exposition n’entraîne de nouvelles révélations par ondes de choc, je crains cependant qu’il faille plus ou moins en rester là.
Pratique
«Jean-Marie Delaperche, Un artiste face aux tourments de l’histoire», Musée des beaux-arts, 1, rue Fernand-Rabier (c’est à côté de la cathédrale), jusqu’au 14 juin. Tél. 00332 38 79 21 83, site www.orleans-metropole.fr/le-musee-des-beaux-arts Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, le vendredi jusqu’à 20h.
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Orléans montre Jean-Marie Delaperche. Est-ce vraiment le génie annoncé?
Les dessins aujourd'hui présentés sont bien de leur époque. Ils se situent cependant dans la grande lignée des irréguliers de l'art français, jusqu'ici occultés par l'histoire