C'était simple, et cela risque bien dene plus l'être. L'ICOM (International Council of Museums), quicoiffe les musées sur le plan international, possédait unedéfinition claire de ces derniers. Je vous la cite. «Un musée estune institution permanente sans but lucratif au service de la sociétéet de son développement, ouverte au public, qui acquiert, conserve,étudie, expose et transmet les patrimoines matériel et immatérielde l'humanité et de son environnement à des fins d'études,d'éducation et de délectation.» Je suppose que vous avez toutcompris. Les choses se voyaient en plus énoncées de manièresuffisamment générale pour convenir à des collections trèsdifférentes les unes des autres.
Notre époque, on le sait, n'aime ni lasimplicité, ni la clarté. Elle adore en revanche le verbiage, issuen général de facultés universitaires de sciences humaines, donton finit par se demander ce qu'elles ont encore d'humain et parconséquent d'utile. Présidente du Comité international de l'ICOM,la Danoise Jette Sandahl (1) a donc décidé de qu'une phrase aussiélémentaire que celle que je viens de vous citer n'était plusadaptée au langage du XXIe siècle. Je viens de le lire dans unarticle du journal en ligne «La Tribune de l'Art», sous la plumeélectronique de Didier Rykner. La dame, née en 1949, commence parjustifier sa démarche. «La définition du musée doit donc êtrehistoricisée, contextualisée, dénaturalisée et (of course!)décolonialisée.» On reconnaît le charabia à la mode. Sousprétexte de se rapprocher du public actuel, on s'en éloigne en faitdangereusement.
Inclusif et polyphonique
Avant de faire quelques commentaires,je vous inflige un florilège de la suite. Tâchez de ne pas poufferde rire immédiatement. «Lesmuséessont des lieux de démocratisation inclusifs et polyphoniques, dédiésau dialogue critique sur les passés et les futurs. Reconnaissant etabordant les conflits et les défis du présent, ils sontdépositaires d'artefacts et de spécimens pour la société. Ilssauvegardent des mémoires diverses pour lesgénérations futures et garantissent l'égalité des droitset l'égalité d'accès au patrimoine pour les peuples. Les muséesn'ont pas de but lucratif. Ils sont participatifs et transparents, ettravaillent en collaboration active avec et pour les diversescommunautés afin de collecter, préserver, étudier, interpréter,exposer, et améliorer les compréhensionsdu monde, dans le but de contribuer à la dignité humaine et à lajustice sociale, à l'égalité mondiale et au bien-êtreplanétaire.» Amen!
Siles chaussettes ne vous en sont pas tombées, c'est que vous avezoublié d'en mettre. Le problème, c'est que forte de son autorité, Jette Sandahl entend faireadopter ce texte à l'arraché lors d'une réunion de l'ICOM à Kyotole 7 septembre. Autant dire que les votants auront peu de temps pourréfléchir en cette période de vacances. La branche française aheureusement vite réagi. Elle juge, selon moi à juste titre, que«les conclusions mettent en cause de manière idéologiquel'histoire et la conception actuelle des musées européens.» Ledoigt me paraît mis là sur la plaie. C'est bien une prise depouvoir politique sur ses membres que souhaite l'ICOM selon JetteSandahl. Passe encore pour l'inclusif et le polyphonique, mots qui neveulent rien dire. Mais réduire les œuvres d'art à des artefacts,les collections à des collectes... Et quid des diverses communautés,qui tendent aujourd'hui déjà à se mêler de tout... Faut il enfinvraiment convoquer comme alibis la dignité humaine, la justicesociale et le bien-être planétaire?
Un forum
Enfait oui, si je réfléchis. On est en train de passer, avec lacomplicité des politiques toujours prêts à monter dans le derniertram de passage (à la suite de leurs innombrables conseillers), dumusée qui conserve et montre à un forum de discussion. Les institutionsmuséales me semblent du coup condamnées à ce que nul nedemanderait d'une salle de concert. Il leur faut faire de l'éducationcivique. Elles doivent permettre aux gens de s'exprimer, voire decréer. Servir de Dermaplast social. De "wellness" même avec le "bien-être planétaire". Dans ce grand magasin culturel, où la médiatisation remplace de plus en plus le travailscientifique, montrer des œuvres tend du coup à devenir secondaire.L'histoire de l'art encore davantage, vu le poids pris par l'administration C'est devenu une vieille lune. Cerise sur le gâteau (même si l'ICOM appuie lourdement par goût de la vertu sur lesbuts non lucratifs), l'Etat demande aujourd'hui aux musées publics defaire du chiffre d'entrées et de trouver comme ils peuvent des mécènes (2). Voilà qui pompe des énergies!
Toutcela se voit bien sûr caché sous un déluge de mots (ou plutôt denéologismes) sortis des facultés de sociologie, de linguistique oud'anthropologie. Certains musées correspondent depuis uncertain temps déjà à cette nouvelle politique. Le premier d'entre eux mesemble avoir été en Suisse le Museum der Kulturen de Bâle, quireniait en 1996 par le mots «des cultures» son honteux passéethnographique. L'institution s'était fait construire un agrandissement par les architectes Herzog et DeMeuron. Tout cela pourmontrer dans les salles permanentes, lors de son inauguration, 43objets sur les milliers proposés naguère au visiteur dans un espaceplus restreint (3). Mais ces objets dialoguaient... Et c'est devenulà l'essentiel au nom de la sacro-sainte transversalité. Je ne saispas ce qu'ils se disaient. Mais finalement peu importe.
Quelle utilité?
Celadit, une vraie grave question se pose. Je me demande toujoursdavantage, en matière de patrimoine, si l'Unesco reste d'unequelconque utilité, vu son apathie et son manque de moyens financiersactuels. Alors, pour continuer sur cette lancée, à quoi sertfinalement l'ICOM, si elle dispense seulement des cours de morale àl'avenir?
(1) Jette Sandahl a créé un Musée de la Femme au Danemark et le Muséede la Culture mondiale à Göteborg, en Suède. - (2) Avec de l'argent propre, il est vrai. Pensez à l'affaire des Sackler, ces sponsors américains richissimes accusés d'avoir vendus un médicament potentiellement dangereux. - (3) Le Museum der Kulturen possède environ 300 000 objets.
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Organisation faîtière, l'ICOM veut aujourd'hui modifier les buts et les règles des musées
C'est un coup d'Etat tenté par la directrice Jette Sandahl. Il n'y aura plus d'oeuvres, mais des artefacts, Plus de collections, mais des collectes. Le but sera désormais le bien-être de l'humanité.