NEW YORK/Thomas Campbell quitte la tête d'un "Met" bien malade

Chaud et froid. Il y a quelques jours, la presse d'art (et même la généraliste) félicitait le Metropolitan Museum de New York d'avoir mis en libre accès à la reproduction quelque 375 000 de ses œuvres sur le Net. Aujourd'hui, les même médias annoncent la démission du directeur du «Met», qui deviendra effective le 30 juin. Thomas Campbell quitte un navire qu'il aurait selon certains amené à couler.
Nommé en janvier 2009, le successeur de l'emblématique Philippe de Montebello héritait d'une situation financière plus que saine. En 2015, le musée avait un trou de 40 millions de dollars à combler. De grondements se faisaient partout entendre. Campbell (comme la soupe du même nom, rendue célèbre par Andy Warhol) avait drastiquement réduit le nombre des expositions. Le Met produisait désormais en plus de mauvais catalogues. Des engagements bizarres se voyaient suivis de renvois ou de démissions. Il y avait eu ensuite des charrettes pour économiser. L'aura du musée s'en retrouvait diminuée... Pire encore, Campbell avait été ouvertement attaqué par l'un des conservateurs les plus brillants du Met aujourd'hui à la retraite, George Goldner, dans un article incendiaire publié par le «New York Times».
Une énorme machine
Il faut dire que le «Met», qui existe depuis 1870, constitue une énorme machine. Il emploie 1500 personnes (le Louvre a environ 2000 employés) et tourne sur un budget de 300 millions de dollars. C'est une institution privée, vivant de ses entrées et bien davantage de l'argent de mécènes, qui rivalisent de générosité. Donner au Met est prestigieux. Il confère du glamour social. Mais il y a depuis longtemps la concurrence du Whitney et surtout du MoMA, qui assure aux sponsors une image plus moderne et dynamique. Notons au passage que le Met a dû abandonner l'idée de construire une nouvelle aile destinée à abriter le contemporain, puisqu'il n'y a pas de distribution des tâches à New York. Le Met va de la préhistoire à nos jours.
Thomas Campbell était issu du sérail. Il conservait précédemment les tapisseries. Il ira ailleurs relever d'autres défis, comme on dit dans ces circonstances. A 54 ans, c'est encore possible. Il se voit remplacé de manière intermédiaire par Daniel Weiss, qui en a 59. Ce dernier figure parmi les papables pour la succession. Mais le «board» du Met a déclaré qu'il prendrait son temps pour choisir. Il faut dire que l'institution connaît un moment critique, comme beaucoup de musées de cette taille. Le Louvre, que dirige un autre enfant du sérail, Jean-Luc Martinez, en offre la preuve. Un dinosaure se révèle toujours difficile à gérer. Il faut en plus penser maintenant aux nouvelles générations numérisées et virtuelles. Les milliardaires cultivés, mondains et tournés vers l'Europe, qui prenaient le Met en charge, se feront toujours plus rares.
Photo (AFP): Thomas Campbell, quand tout allait encore bien.