C'est une vedette. Du moins en Suissealémanique. A 70 ans, Miriam Cahn garde toujours autant de peine àtraverser la Sarine. En cela, sa trajectoire apparaît différente decelle de sa compatriote Silvia Bächli, elle aussi grande adepte dupapier. Silvia se retrouve en pilotage automatique dans une galerie commeSkopia à Genève. Elle a monté il y a peu une exposition au MuséeBarbier-Mueller. On la voit régulièrement dans une foire commeArtgenève. Miriam, non. Allez savoir pourquoi, d'autant plus quel'Alémanique vit en ce moment une année faste. La rétrospective auKunstmuseum de Berne, dont je vais vous parler aujourd'hui, iraensuite à Munich et à Varsovie. L'artiste aura en plus une autreexposition au Kunsthaus de Bregenz plus une troisième au Reina Sofiade Madrid. Une suite à son exploit de 2017. La Suissesses'était alors vue invitée par les Documenta(s) à Athènes comme àKassel. Joli doublé!
Il y a maintenant longtemps que Miriamroule pour l'art suisse. Née en 1949 à Bâle, elle a accompli sesétudes sur place à la Gewerbeschule. On n'était pas très«master», ateliers et résidences à cette époque quasipréhistorique. Afin de vivre, la débutante a fait à la fois dudessin scientifique et de l'enseignement. Il existait encore desdébouchés professionnels au début des années 1970. Celles-ciétait parallèlement marquées par la mobilisation anti-nucléaireet les premiers mouvements féministes. Miriam s'est beaucoup engagéepour les droits de la femme et contre les centrales. En décembre1979 et en janvier 1980, elle s'est même lancée de nuit dans legraffiti, ce qui restait alors mal vu des autorités. Ses fresquessur la Tangente Nord de l'autoroute lui ont valu un procès, aprèsidentification par la police de la saboteuse (féminisons! féminisons!). Celui-ci est intervenu de manière finalementopportune. Il suivait les premiers succès de l'artiste, qui avaitobtenu sa première exposition en galerie dès 1977. Un peu depublicité ne fait jamais de mal.
De Kassel à Venise
La suite s'est passée tout simplement.La Bâloise a enchaîné les accrochages. Un coup d'accélérateurlui a été donné par sa participation à la Documenta7 en 1982,même si la dame a retiré son œuvre avant le vernissage. Ellen'arrivait pas à s'entendre avec le commissaire Rudi Fuchs. Ce finrenard (Fuchs veut dire renard en allemand) passait pourtant à l'époque pour unarbitre du goût. Il dirigeait le Van Abbemuseum d'Eindhoven, dont ilavait fait une Mecque de l'art contemporain. Miriam sera néanmoinsl'hôte de la Biennale de Venise de 1984. C'était juste avant des'installer à Berlin, la ville où il fallait résider pour se voirpris au sérieux dans la seconde moitié des années 1980. Elledevait en revenir en 1989. Si l'on ne saurait être prophète en sonpays, il n'en va pas forcément de même pour les prophétesses.

Maintenant que vous ai dégrossi la viede Miriam, à quoi son exposition bernoise ressemble-t-elle? D'abord,elle tourne autour d'un thème: «Moi en tant qu'être humain». Laformulation du titre de cette exposition curatée par Kathleen Bühlerme semble bien trouvée. L’œuvre se base en partie sur la personne, même s'il ne s'agit pas d'uneseconde Maria Lassnig, avec ce que l'Autrichienne pouvait avoir d'obsessionnel. L'auteure (ou l'autrice) se sent en plusconcernée par des problème touchant non seulement les femmes, maisl'ensemble de l'humanité. La sexualité joue cependant un grand rôleici. Féminine et masculine. D'où une quantité de vagins béants etde pénis en érection. Il y a notamment là ou ou deux versionspersonnelles de «L'origine du monde» qui feraient presque rougirGustave Courbet. Je me demande la tête que feront les visiteurs àVarsovie, pour autant que les œuvres franchisent sans encombre labarrière de la censure...
Fusain et pastel
Pour l'essentiel, il s'agit donc de travauxsur papier, avec du fusain très gras ou des pigments de pastel violemmentcolorés. Miriam Cahn ne donne pas dans la demi teinte. Lesdifférents travaux présentés se révèlent de toutes dimensions.Certains atteignent à peine la taille de la carte postale. D'autresdépassent presque les normes admises. Il y a notamment, au premierétage du Kunstmuseum, une composition remplissant tout un mur. Elley est entrée au chausse-pied. Ces dessins ont été tracés entreles années 1980 et aujourd'hui. Les périodes se retrouventmélangées sur deux niveaux du musée. En fait, pas tant que ça!En quarante ans de production, Miriam Cahn a finalement peu changé de style.Elle est demeurée fidèle à elle-même. Aisément reconnaissable,avec ses figures féminines dont les yeux apparaissent seuls visiblessous le voile islamique ou la cagoule du terroriste. Allezsavoir!

Que penser du résultat? Je ne suis pasconvaincu que les œuvres, comprenant quelques sculptures sur bois etdes vidéos sur le perron de l'escalier, soient à leur aise dansl'ancien bâtiment du Kunstmuseum. L'art de Miriam et les stucs 1880ne font pas vraiment bon ménage. L'aile moderne lui aurait sans soute mieuxconvenu. On ne dira jamais assez l'importance si ce n'est du décor,du moins du contexte. J'avais du coup été plus impressionné par laprésentation de Miriam en 2015 au Kunsthaus d'Aarau. Je vous enavais du reste parlé. Cela dit, il s'agit tout de même d'uneprestation forte. Audacieuse. Dure. Un peu répétitive, tout de même. A voir si possible lorsque lecatalogue aura enfin paru. Comme bien d'autres, il se fait hélasattendre.
Pratique
«Miriam Cahn, Ich als Mensch»,Kunstmuseum, 8-12, Hodlerstasse, Berne, jusqu'au 16 juin. Tél. 031328 09 44, site www.kunstmuseumbern.ch Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h, le mardi jusqu'à 21h.
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Miriam Cahn débarque au Kunstmuseum de Berne. "Moi comme être humain"
La Bâloise reçoit la rétrospective de ses 70 ans. Elle ira ensuite à Munich et à Varsovie. Il y a là des travaux sur papier allant des années 1980 à nos jours. C'est audacieux et fort.