Il pleut toujours où c'est mouillé.Autant dire que le reste demeure désespérément sec. Ainsi enva-t-il des monographies consacrées aux artistes comme du reste.Alors que paraissent en cette année anniversaire une foule de livresplus inutiles les uns que les autres sur Léonard de Vinci, certainsartistes moins connus attendent toujours l'ouvrage les concernant.Mémoires et thèses restent inédits. Un album grand public demeureinconcevable pour eux. Trop cher. Trop peu de diffusion. Il n'y a guèrequ'Arthéna en France pour sortir (un peu cher) de gros pavés surdes figures importantes des XVIIe et XVIIIe siècles. Importantescertes, mais méconnues.
Il n'existait ainsi jusqu'ici aucunepublication sur Pierre Guérin (1774-1833). Ce n'est pas que lestableaux de ce néo-classique de la seconde génération restentinvisibles. Loin de là. Certes, il faut parfois tendre le cou pourles voir. C'est notamment le cas pour l'«Andromaque» et la «Phèdre»du Louvre, suspendus à des hauteurs déraisonnables. Mais le mêmemusée, visité à près tout par plus de dix millions de personnesen 2018, laisse plus aisément voir sa «Clytemnestre hésitant àfrapper Agamemnon endormi» (à sa place je n'aurais pas hésité) oule plus suave «Aurore et Céphale». Des tableaux que le publicfinit par avoir dans l’œil, et par conséquent dans la mémoire.Autant dire qu'on comprend mal pourquoi cet artiste, fêté en sontemps, connaît un tel oubli.
L'exposition en 2012
Mehdi Korchane s'est depuis longtempsappliqué à tirer l'homme de cet abandon. Il a commencé parsoutenir une thèse de doctorat sur ce bel artiste, il y a maintenanttreize ans. Il n'y avait plus eu aucunes recherches sur Guérindepuis le début des années 1970, quand Josette Bottineau déblayait le terrain. L'historien a ensuite persuadé en 2012 leMusée des beaux-arts d'Angers de consacrer, sur le thème dudésastre, toute une exposition à «La dernière nuit de Troie».Une gigantesque toile laissée inachevée par l'artiste en 1832.C'était très réussi, avec une mise en scène spectaculaire.Aujourd'hui, Korchane peut donner son grand œuvre, paru chez Mare &Martin. Un volume largement illustré qui fait son poids, tant enkilos qu'en science. Il s'agit cependant davantage d'étudeshistoriques et analytiques que d'un catalogue raisonné.

Pourquoi Guérin maintenant, et non pasavant? Difficile de répondre. Les trois autres «G» contemporainsde notre homme ont obtenu les honneurs. C'est le cas de Girodet, qui a son musée à Montargis. C'est celui de Gérard, qui a reçu ily a quelques années son exposition (un brin ennuyeuse) àFontainebleau. C'est enfin celui de Gros, dont un dessin vientd'atteindre un prix hallucinant aux enchères, et qui a encore faitl'objet en 2010 d'un intéressant essai sur son suicide en 1835.L'homme n'avait pas supporté la désaffection pour un beau idéal àla David. Il fallait donc à Mehdi Korchane partir de zéro. «Leprésent ouvrage a les qualités et les défauts des premièresmonographies qui, ayant à combler d'immenses lacunes, doiventnécessairement faire des choix parmi les multiples sujets d'analyseet de réflexion qu'offrent le déroulement d'une vie etl'élaboration d'une œuvre.»
Composé en triptyque
L'ouvrage se compose comme untriptyque. Le premier volet ressemble à un roman de formation.Comment le fils de petits commerçants parisiens a-t-il pu devenir,après les remous de la Révolution, un peintre à la mode avec laprésentation au salon de «Le retour de Marcus Sextus» (unpersonnage imaginaire) en 1799, puis de «Phèdre etHippolyte» en 1802? La seconde partie raconte sa quête du «beauidéal», qui l'éloigne par la force des choses de la réalité.Cette suite de chapitres couvre les années 1803 à 1817, avec desconcessions faites comme par chacun de ses confrères à la gestenapoléonienne. La fin concerne la carrière de professeur, quis'ouvre alors pour lui. C'est «le temps de l'atelier», avec cettefois des garanties données au pouvoir royaliste grâce aux portraitscommémoratifs de chefs vendéens. Rien là de bien déshonorant.J'avoue même un faible pour son «Napoléon pardonnant aux révoltésdu Caire», qui fait écho à Versailles à la grande toile, bienplus célèbre, de Girodet sur «La révolte du Caire».
Tout ceci est bien raconté sur un tonéminemment sérieux. L'université n'est pas loin, avec ce qu'ellepeut avoir d'empesé. L'auteur sait néanmoins faire partager sonenthousiasme. Il déverse sa science sans que celle-ci vienneengloutir le lecteur. Il s'agit certes d'un ouvrage pour un publicdéjà au fait des enjeux artistiques soulevés. Mais on a connu plus austère dans certains catalogues d'exposition prétendus populaires.La découverte d'un artiste aussi marquant mérite bien un petiteffort.
Pratique
«Pierre Guérin», de Mehdi Korchaneaux Editions Mare & Martin, 328 pages.
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Mehdi Korchane sort le livre de référence sur le peintre Pierre Guérin (1774-1833)
L'homme fait partie des oubliés de l'histoire de l'art. Il a pourtant été célèbre se son temps. Ses principales toiles restent par ailleurs accrochées de manière permanente au Louvre.