
Une «Ecole du gris» pour une carte blanche. A l’étage, le Musée des beaux-arts de la Chaux-de-Fonds propose «Laughing Stock». Le directeur David Lemaire a laissé le jeune artiste genevois Mathias Pfund (dont une exposition aux Bains a récemment marqué la fin de l’existence de l’espace Quark) fouiner dans les réserves. Ce dernier en est ressorti avec des toiles remontant aux années 1920 et 1930. Plus une idée. Il s’agissait à la fois de présenter des pièces parfois bien connues du public local et d’élaborer un travail critique, Pfund ne présentant ici aucune œuvre de sa main.
«Ce projet s’inscrit sur le terrain du double sens et explore avec distance une méthode de la fabrication de l’histoire de l’art s’attachant plus à l’interprétation, aux goûts et aux valeurs entourant la peinture qu’à la peinture elle-même», dit gravement un texte inscrit sur le site de l’institution. Il existerait ainsi eu d’autres «écoles du gris» que celle de La Chaux-de-Fonds. Si une quasi absence de couleurs, ou en tout cas de tons vifs, semble patent et commun dans la cité horlogère des années 20 et 30, la nation d’école ne serait pas forcément pertinente. Bref. Avec l’aplomb de ses 28 ans, Mathias complique des choses me paraissant tout de même simples. Il a en tout cas vécu dans une ville de petite taille, très enclavée même par rapport au canton de Neuchâtel, une dizaine d’artistes partageant leurs vues et leurs vies. Il devient dans ce cas possible de parler au moins de communauté d’esprit, d’autant plus que le groupe a publié sa revue, «Les Voix»,en 1919 et 1920.
Double sens
Vu la permission donnée par le «double sens», il devient aussi permis de regarder les toiles pour elles-mêmes. Sans littérature. Il y a aux murs celles des frères Barraud, dont Corinne Charles se fait à Genève l'historienne. On sait qu’ils sont quatre, comme les mousquetaires de Dumas après l’adoubement de d’Artagnan. Il y a François, le plus doué, mort jeune à Genève en 1934. Plus Aimé, Aurèle et Charles, dont la production postérieure a marqué un certain déclin (voire même un déclin certain). Il faut leur ajouter les frères Locca, Guido et Albert, plus inégaux. Charles Humbert et son épouse Madeleine Woog, morte elle aussi à la fleur de l’âge en 1929. Et enfin ces quasi inconnus que demeurent au-delà de la capitale horlogère Philippe Zyssset, Pierre-Eugène Bouvier ou Georges Dessoulavy. Tous produisent une peinture sévère, un peu triste, comme éteinte, les Barraud se rapprochant en dépit de la géographie de la «Neue Sachlichkeit» allemande.

Mathias Pfund, Photo HEAD, Genève 2020.
L’unité frappe aux murs de la grand salle aménagée de manière très classique par Mathias Pfund. Il faut parfois bien regarder les cartels, tant les attributions se révéleraient difficiles autrement. Les amis posent du reste souvent les uns pour les autres. Le visage allongé et la coiffure très particulière de Madeleine Woog se retrouvent ainsi sous divers pinceaux. Le visiteur finit par avoir presque l’impression d’une création collective. Alors, manipulation historique ou non, pourquoi ne pas parler d’une «école du gris»?
Pratique
«Laughting Stock,Mathias Pfund», Musée des beaux-arts, 33, rue des Musée, La Chaux-de-Fonds, prolongé jusqu’au 30 septembre. Tél. 032 967 6077, site www.chaux-de-fonds.ch/musees/mba Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h. Un tableau de l’accrochage représente la construction du musée dans les années 1920. Mise en abîme?
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Mathias Pfund revisite "l'école du gris" des années 1920 au musée de La Chaux-de-Fonds
La carte blanche donnée au Genevois de 28 ans s'appelle "Laughing Stock". Elle met en valeur une production homogène qui n'aurait pas formé une école pour autant.