"Love, Cecil". Tout sur le photographe Cecil Beaton dans un film de montage
Lisa Immordino Vreeland avait déjà consacré un long-métrage à Diana Vreeland, puis à Peggy Guggenheim. Voici cette fois le plus grand photographe de mode anglais, mort en 1980.

Un des nombreux autoportraits de Sir Cecil. Entre l'affirmation et l'ironie.
Crédits: Succession Cecil Beaton, Courtesy Sotheby'sC'est un films pour fans. Un film de
femme aussi. Après avoir consacré en 2011 un étonnant long-métrage
de montage à la légendaire journaliste de mode Diana Vreeland (la
grand'mère de son mari), puis un autre en 2015 à la non moins
mythique collectionneuse Peggy Guggenheim, Lisa Immordino Vreeland
propose un troisième collage. «Love Cecil», qui vient de sortir à
Paris avec deux ans de retard, nous parle de Cecil Beaton, le
photographe de «Vogue» ou le costumier de «My Fair Lady». Un
Anglais parfaitement excentrique, comme on les aime. Le témoin par
ailleurs de plusieurs époques. Après avoir incarné les
insouciantes années 20, puis le temps difficile de la guerre, Sir
Cecil était devenu l'ami des Rolling Stones, qui leur doivent une
partie de leur image, pour ne pas dire de leur imagerie.

Beaton est mort en 1980, six ans après l'AVC qui avait laissé cet hyperactif diminué. Autant dire que la réalisatrice a dû se baser sur des films anciens ou des entretiens télévisés en noir et blanc. L'intéressé y répond à des journalistes un peu inquisiteurs avec son humour dévastateur. Il se moque parfois tant de lui-même qu'il laisse son interlocuteur désarmé. Le récit reste plus ou moins chronologique. Le spectateur passe d'une enfance passée au sein de l'«upper middle class» au Hollywood des grandes années, puis à Buckingham Palace, dont il y été durant des décennies l'iconographe en chef. L'homme raconte ses succès. Son imagination débordante lui a permis de demander n'importe quoi à ces célèbres modèles. Ils ne lui ont jamais rien refusé. Il y a aussi les échecs, essentiellement privés. Des rapports difficiles avec le père, qui voyait d'un sale œil ce rejeton ce fils si visiblement gay, alors que l'homosexualité restait illégale en Angleterre. Il lui préférait son autre fils qui, dépressif, finira par se jeter sous le métro. Mère et sœurs furent en revanche ses complices à vie. Un soutien pour un homme dont les amours furent toutes malheureuses, à commencer par sa difficile «affaire» avec Greta Garbo.
De David Bailey à Tim Walker
En une heure quarante, «Love Cecil»,
qui s'offre le luxe de Rupert Everett (60 ans en 2019!) comme
narrateur, propose une sorte de kaléidoscope. Les magazines de mode
se superposent aux scènes de théâtre, à quelque 38 livres et à
deux jardins bien réels. Quelques survivants racontent «leur»
Cecil. Il y a là David Bailey, photographe de mode d'une génération
ultérieure, qui a bien mal vieilli physiquement. Ce cadet
l'estimait, mais ne l'aimait guère, même s'il lui a consacré un
film. Tim Walker, le plus grand représentant actuel du genre, reste
lui toute admiration. Penelope Tree, le mannequin superstar des
années 1970, en garde un souvenir ébloui. C'est elle qui en parle
le mieux, avec intelligence et dans un anglais très châtié. On
était loin alors du côté terriblement vulgaire (et je suis poli)
d'une Kate Moss.
En bref, c'est aussi réussi que le Vreeland et le Guggenheim. Le film ne rencontre hélas aucun succès dans le monde francophone, en dépit de la presse spécialisée. Je crains bien que, hors de Paris, il faille veiller sur les nouveautés à acheter en ligne. Dommage!