C'est exotique, et même doublementdépaysant. Il y a l'espace. Il y a le temps. Curieusement, lepremier compte désormais moins que le second. L'Orient est devenutrès accessible, et cela même «low cost». Il a en revancheterriblement changé depuis les visites que lui ont rendues lesartistes du XIXe siècle et des débuts du XXe. Il a, au propre commeau figuré, perdu de son pittoresque. C'est en effet ce dernier quidonne l'envie de peindre, si l'on respecte l'étymologie du mot.
Le Musée Marmottan propose donc àParis «L'Orient des peintres». Il y a là une soixantaine detoiles, que le site du musée qualifie globalement de chefs-d’œuvre.Il faut bien soigner sa publicité. Disons histoire de poser des bornes, quel'exposition commence avec Ingres, qui n'a jamais traversé laMéditerranée, pour se terminer avec Matisse. Il y a au passage lesromantiques, les académiques et les impressionnistes. ThéodoreChassériau précède du coup Pascal Dagnan-Bouveret ou Renoir. LesGenevois reconnaîtront au passage «Le bain turc» (1907) de FélixVallotton, qui provient en direct de leur Musée d'art et d'histoire.Tout peut se terminer avec un magnifique Kandinsky, un peu égarédans un coin alors que sa somme d'assurances doit être colossale. Ilfaut dire que le Musée Marmottan n'utilise plus ses sous-sols pourles manifestations temporaires, Monet oblige. Il les coincedans un corridor en forme de gros intestin au rez-de-chaussée.
Deux magnifiques Gérôme
Les œuvres apparaissent bien sûr enréalité de valeur diverse. «La grande odalisque» ne saurait ainsise révéler celle d'Ingres, réalisée en 1814. L'originale, que leLouvre conserve jalousement comme une belle de harem. Il s'agit de sacopie par Jules Flandrin, exécutée en 1903. Se détachent du couples meilleures pièces, en général produites par d'illustresmaîtres du XIXe siècle. Je pense à «Le massage, scène de hammam»d'Edouard Debat-Ponsan et surtout au «Marchand de couleurs» et au«Charmeur de serpents», qui faisaient partie des tableaux vedettesde la rétrospective Jean-Léon Gérôme à Orsay en 2010. Maisenfin, mis l'un dans l'autre, le résultat se révèle mieux quesimplement honorable. C'est plutôt bien.

Les visiteurs et surtout les visiteusesmadérisés qui hantent régulièrement le musée de la rueLouis-Boilly, dans l'élégant quartier de La Muette, ont donc dequoi se déclarer satisfaits. Il n'y a pas tromperie sur lamarchandise. Eh bien non! Ils devraient avoir honte. J'ai l'articlede Philippe Dagen publié le 26 avril dans «le Monde», qui n'hésitepas à parler de «perversité». Que reprocher à l'ensemble conçupar la commissaire Emmanuelle Amiot-Saulnier? Qu'elle maintient desstéréotypes. Et là, le gros mot perle vite. Nous sommes en pleinco-lo-ni-a-lis-me. Le pire du pire. Le goulag n'est presque rien àcôté. Je précise bien sûr qu'il s'agit de colonialisme français.Il devient impossible de dire aujourd'hui que les Omeyades, lesSeldjoukides ou les Ottomans ont jadis conquis et occupé nombre depays européens, de l'Espagne à la Grèce et passant par la Hongrie.Le procédé est pourtant vieux comme le monde. Pensez à l'Empireromain!
Dérive totalitaire
Marmottan, où Philippe Dagen alui-même organisé en 2016 une exposition regroupant Hodler, Munchet Monet, a donc failli. Il s'est écarté du politiquement correct,ce que ne semble pas remarquer le nombreux public se bousculant àcertaines heures pour entrer. On ne plaisante pourtant pas avec ceschoses-là, surtout dans le petit monde gravitant autour des facultésde sciences humaines d'universités. Ce dernier fonctionne enauto-allumage. Tout commence par les réseaux sociaux. Le harcèlementcontinue dans la presse. Avez-vous déjà noté qu'on ne débat plusdans les pages «Débats» du «Monde», puisque le quotidien déroule désormais son tapis rouge aux tenants de la pensée unique? Nous assistonsainsi à une dérive vers le politiquement correct. Elle vaut biencelle dans le fascisme ou le gauchisme. Il s'agit dans tout les casde totalitarismes. Défense de penser autrement que les minoritésles plus actives et les plus bruyantes!
Pour le moment, personne ne réclameencore la fermeture des salles de musée voués à la peintureorientaliste, qui fait par ailleurs souvent de gros prix sur lemarché de l'art. Mais si nul ne se montre vigilant, cela pourraitbien venir un jour. Orsay, qui propose en ce moment «Le modèle noir», unaccrochage dont je vous parlerai un de ces jours pour en signaler lesambiguïtés, pourrait se retrouvé prié de mettre dans les réservesdes toiles «offensantes». Plus de scènes de harems, de marchésd’esclaves, ni de sultanes un peu trop européennes (et pour cause,les modèles provenant en général des Batignolles ou de Montrouge)!Il y a là de l'appropriation culturelle. De la condescendance. Etpour tout dire du racisme. Du reste, dans la scène de hammam deDebat-Ponsan la servante est noire et la dame massée blanche. Commes'il eut pu en aller autrement dans la réalité quand le tableau,par ailleurs très réussi, a été réalisé en 1883! Et que pensent au fait les féministes de ces chairs noires ou blanches offertes au regard concupiscent des visiteurs? Autre problème...
Activisme redoutable
Il faut donc peut-être profiter devoir «L'Orient des peintres» pendant qu'il reste temps. Lesactivistes ont beau sembler peu nombreux. Ils savent se fairerespecter. Ils obtiennent sinon des interdictions du moins dessuppressions, ce qui revient finalement au même. Les gouvernementsles écoutent, mine de rien. Je rappelle la disparition récented'une affiche des «Suppliantes» d'Eschyle, vieilles de deux millecinq cent ans. Le metteur en scène avait imaginé des masques noirspour les acteurs. Il y avait donc un «black face», crime inexpiableaux yeux de certains. A cause de l'esclavage. Un crime contrel'humanité, me semble-t-il avoir compris grâce à une plumeextérieure dans «Le Monde». Le nouveau temple du politiquementcorrect. N'y aurait-il donc vraiment rien de plus grave à signalerde nos jours?
Pratique
«L'Orient des peintres, Du rêve à lalumière», Musée Marmottam 2, rue Louis-Boilly, Paris, jusqu'au 21juillet. Tél. 00331 44 96 50 33, site www.marmottan.ch Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h, le jeudi jusqu'à 21h.
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"L'Orient des peintres" au Musée Marmottan de Paris. Politiquement incorrect?
L'exposition va d'Ingres à Matisse en passant par les romantiques, les académiques et les impressionnistes. S'agit-il vraiment là d'une peinture coloniale?