C'est beau, mais souvent lourd et encombrant. Si vous voulez mon avis, le Père Noël doit faire du culturisme. Avec les livres prévus pour la fin de l'année par les éditeurs, en dépit de la double crise (celle de l'économie et celle de la librairie), il lui faut des biceps pour porter bien haut la hotte. Voici un petit choix d'ouvrages allant au-delà de la qualité des images et du papier glacé.
"Le détail", de Daniel Arasse. C'est un classique. Depuis sa première parution en 1992, ce texte militant "pour une histoire rapprochées de la peinture" a connu de nombreuses éditions, dont une en poche (2009). Poursuivant l'idée de l'historien anglais Kenneth Clark, qui avait eu le premier l'audace de publier des morceaux de tableaux appartenant à la National Gallery en 1938, le Français montre qu'il est possible de se pencher sur un seul élément d'une composition. Les peintres d'antan étaient aussi des narrateurs. Pour vraiment les entendre, il faut savoir les regarder de près. Il peut aussi s'agir d'un libre choix du spectateur. A lui d'isoler ce qui lui plaît le plus. Daniel Arasse nous manque depuis sa mort, à 59 ans, en 2003. Tâchez aussi d'en lire également le magnifique "On n'y voit rien", de 2000. (Flammarion, nouvelle réédition, 384 pages)
"Le dictionnaire amoureux de l'Art moderne et contemporain" de Pierre Nahon. On connaît l'idée. Qu'il s'agisse de Venise, du Louvre, de Proust ou du piano, un auteur choisit de raconter sa passion sous forme d'abécédaire. Propriétaire de la très cossue Galerie Beaubourg à Paris, Pierre Nahon mélange ses notices sur des artistes connus avec celles sur certains de ses confrères et des considérations sur les foires ou les spéculateurs. L'amour reste aveugle (et parfois même sourd!), on le sait. Ce pavé baigne ainsi dans la gentillesse. Pas un mot de travers. Pas une seule vacherie. Le lecteur en sort avec une impression de confort moral, pour ne pas dire de conformisme. Il aurait aimé une plus grande liberté de ton. Une réelle originalité. La chose n'est hélas pas rachetée par le brillant du style. Un bon livre pour débutants en la matière. (Plon, 680 pages)
"Les Plans de Paris", de Pierre Pinon et Bertrand Le Boudec. Là aussi, il s'agit d'une nouvelle version. Cet ouvrage collectif avait déjà paru dans une version de luxe en 2004. Le lecteur voit grandir une ville en perpétuel devenir. Le mot "plan" désigne à la fois une carte et un projet. Certaines idées ainsi jetées sur le papier ne se sont donc jamais réalisées. Personne n'a mené à bien les coûteuses imaginations sorties du cerveau de l'architecte Charles de Wailly en 1789. L'urbanisme exige de l'argent. Beaucoup d'argent... Tout commence ici avec le "Plan de Saint-Victor" des années 1550, connu part des gravures postérieures. Il montre une ville médiévale presque ronde. Tout se termine avec le "Plan du paysage urbain" de 2001. Il illustre une ville non plus encline à faire table rase du passé, mais tâchant de le préserver au mieux. A méditer. (Le Passage, 134 pages)
"Delacroix, Objets dans la peinture, souvenir du Maroc", sous la direction de Dominique de Font-Réault. Louvre d'un côté. Institut du Monde arabe de l'autre. Paris vit à l'heure marocaine, avec sans doute beaucoup de contrats économiques à la clef. C'était le moment pour le joli Musée Delacroix, sis dans l'ancien appartement-atelier de l'artiste place Furstenberg, de rappeler toute l'importance du voyage du peintre en Afrique du Nord. La chose se passait en 1832. Le Parisien avait 34 ans. Il allait faire en quelques mois des provisions d'images exotiques pour toute une vie. La dernière œuvre présentée dans l'exposition actuelle date de 1862. Delacroix n'avait plus que quelques mois à vivre. Une foule d'auteurs ont participé à cette ouvrage, qui excède du coup de loin son rôle de catalogue. Il s'agit d'un véritable livre. (Le Passage, 176 pages)
"Art et dictature au XXe siècle", de Maria Adriana Giunti. Le sujet n'a rien de nouveau. L'Italie de Mussolini, l'Allemagne d'Hitler et l'URSS de Staline ont fait main-basse sur l'architecture et les beaux-arts. Si le fascisme a su embrigader des gens de talent (de Mario Sironi à Gio Ponti), difficile d'en dire autant pour les deux autres despotes, qui ont de plus éliminé physiquement ceux qui leur résistaient. Maria Adriana Giunti compare les trois régimes, ce qui lui permet d'oublier curieusement plusieurs autres pays pour le moins dirigistes. Qu'en est-il de l'Espagne de Franco, du Portugal de Salazar ou de la Hongrie du régent Horthy? Et des nations extra-européennes? Restent les images, assez classiques dans leur choix. On sent que pour l'auteur, le politique l'emporte encore sur l'artistique. Les blessures restent vives. Or, dès qu'on approche le vif du sujet, on remarque que rien n'est simple. Où commence la dictature? (Place de la Victoire, 251 pages)
Photo (Musée Fabre): La seconde version de "Les femmes d'Alger dans leur appartement" d'Eugène Delacroix, peinte entre 1847 et 1849.
Prochaine chronique le vendredi 19 décembre. Départ pour Milan, qui propose une merveilleuse exposition Giovanni Segantini.
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LIVRES/Arasse, Paris, art moderne et dictature