Faut-il courir plusieurs Lièvre à la fois? L'actualité romande pourrait nous le faire croire. Jusqu'ici inconnu. René Lièvre bénéficie aujourd'hui d'un livre et de deux expositions. Il faut voir là un phénomène de découverte et de diffusion. La Ferme Asile de Sion ( www.ferme-asile.ch ) proposera des images du Jurassien du 17 novembre au 6 janvier. La Galerie du Sauvage de Porrentruy ( www.galeriedusauvage.ch ) en à déjà montré ce printemps. Quant à l'ouvrage imprimé, il vient de sortir aux Editions d'autre part. Des éditions liées au Jura grâce à Pascal Rebetez.
C'est ce dernier qui a écrit les quelques pages liminaires de cet album, les petits textes face aux images étant d'Elisa Shua Dusapin. Il s'agissait de raconter la récente découverte d'un homme qui «aurait aimé rester invisible» si j'en crois un entretien lu ailleurs. René Lièvre est né en 1937 avec une vue déficiente: 90 pour-cent à un œil, certes, mais 10 pour-cent seulement à l'autre. La chose en fait presque un objectif humain. Ce regard unique, il va le porter entre 1962 et 1977 sur son monde environnant. L'écrivain Alexandre Voisard se souvient d'un «personnage lunaire et curieux de tout». L'homme pose ensuite son Rolleiflex. Définitivement. A 40 ans, il peut passer à autre chose. Son épouse infirmière n'est plus de garde le week-end à l'hôpital. Les négatifs vont s'empoussiérer dans des cartons. Longtemps. C'est il y a quelques mois que le galeriste Géraud Siegenthaler a mis la main sur ce fonds découvert chez Lièvre, un ami de la famille. Les choses se cachent souvent près de chez vous.
Un monde au bord du gouffre
Qu'a donc photographié René Lièvre, ce fils de magasinier vivant de la peinture en bâtiment? Un peu tout dans un format carré, avec une dominante noire. Il y a les plans larges, avec des bâtiments décatis. Les troupeaux de moutons et les chevaux de trait. Les vieillards isolés et les groupes d'enfants. Les arbres et les tombes. Des clichés méditatifs. On bouge peu chez René Lièvre. Le pays attendait encore sa grande révolution moderne. Tout se verra balayé en quarante ans, du chat dérobant sa nourriture dans une cuisine sans âge au Café des Amis. René Lièvre a fixé un monde au bord de la disparition, comme Gustave Roud, dans le Gros de Vaud, a magnifié à la dernière minute une agriculture bientôt motorisée, puis industrialisée par la course à la rentabilité. De tout ce qui nous est ici montré, il ne subsiste quasi rien.
Il y a de la beauté, une beauté revendiquée avec des cadrages stricts et de jolies lumières, dans les photos de René Lièvre. Mais aussi beaucoup de nostalgie, venue d'un sentiment de déperdition. Une idée aussi due, bien sûr, au film argentique noir et blanc impliquant des tirages à la main. Nous sommes nombreux à regarder en nos jours ces images d'un temps lent jusqu'à l'immobilité. Tout nous attendrit, même les usines aujourd’hui désaffectées. Que voulez-vous? Le présent inquiète et l'avenir affole. Il est bon de se raccrocher au temps perdu. Notez qu'il ne s'agit pas précisément là d'une nouveauté!
Pratique
«René Lièvre, Le regard du lièvre», aux Editions d'autre part, 139 pages.
Photo (René Lièvre/Galerie du Sauvage, Porrentruy 2018): L'une des photos, scandaleusement recadrée, de René Lièvre.
Texte intercalaire.
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LIVRE/Les photos du Jurassien René Lièvre aux Editions d'autre part