LIVRE/La "Correspondance complète" de Rodolphe Töpffer arrive à son terme

Fin de parcours. Le huitième tome de la «Correspondance complète» restera bien le dernier. Les lettres publiée vont cette fois du 16 août 1844 au 8 mai 1846. Le Genevois est mort le 8 juin, ce qui lui aura évité d'assister à la révolution radicale d'octobre 1846. Un tournant historique qu'il aurait hautement désapprouvé, comme sans doute la destruction des murailles qui a suivi.
C'est un homme malade, affaibli, vieilli avant l'heure (il était né en 1799) qui parle dans ces dernières lettres. Elles s'adressent en priorité à des proches, surtout quand il se trouve en cure à Vichy. Epouse, père, mère, enfants, beau-frère, le cocon familial se révèle particulièrement épais chez les Töpffer et leurs alliés, les Duval. L'écrivain doit aussi s'occuper de la diffusion de ses œuvres, notamment en France. Sa dernière missive connue est du coup adressée à Sainte-Beuve, dont on a la réponse. Le pédagogue doit aussi remettre son pensionnat de la promenade Saint-Antoine, ce qui nous vaut certains billets douloureux. Ce huitième volume est bien marqué par la mélancolie d'une vie et d'un temps qui s'en vont.
Une épopée éditoriale
Autre sujet de tristesse, ce livre est aussi l'ultime qu'aura mené à bien Jacques Droin, décédé l'an dernier à 89 ans. C'était la cheville ouvrière d'une entreprise de très longue haleine, puisqu'il fallait non seulement transcrire les lettres, mais les annoter en donnant notamment une biographie de tous les personnages cités. Jacques Droin (quand je pense que j'ai eu, enfant, son père Jules comme pédiatre...) aura pu mener jusqu'au bout la mission qu'il s'était donnée, sans pour autant voir le produit achevé. Il a même pu rédiger la préface.
Dans sa tâche, l'ancien juge a été aidé comme d'habitude par Danielle Buysssens et Jean-Daniel Candaux. L'entreprise, qui aura vu l'impression de quelque 4500 pages, aura été soutenue dans son intégralité par la Librairie Droz. Il est permis de penser qu'elle aussi marque la fin d'une époque, même si le 9e art, initié par Töpffer avec ses récits dessinés, a aujourd'hui le vent en poupe. Qui se lance de nos jours dans une équipée éditoriale supposée durer plus de quatorze ans?
Pratique
«Correspondance complète», de Rodolphe Töpffer, éditée par Jacques Droin avec le concours de Danielle Buyssens et de Jean-Daniel Candaux, Edité par Droz, 543 pages.
Photo (Rodolphe Töpffer): L'une des planches dessinées de Rodolphe Töpffer, dont la postérité est innombrable.
Texte intercalaire.