Il existe des noms trompeurs. François Mansart (1598-1666) n'a pas inventé la mansarde. Il ne s'agit pas non plus de l'architecte du dôme des Invalides ou du château de Versailles. Ces derniers sont dus à son petit-neveu Jules Hardouin Mansart, Hardouin n'étant pas un prénom excentrique, mais le nom du mari de sa nièce. Il fallait remettre l'homme en pleine lumière. Si Jules Hardouin a obtenu son exposition au Musée Carnavalet en 2009, François vient de recevoir son livre. Un bel album oblong, richement illustré, signé par Claude Mignot. Titre: «François Mansart, Un architecte artiste au siècle de Louis XIII et de Louis XIV».
Pourquoi «artiste»? C'est là le propos de l'ouvrage. En France, l'architecte est longtemps resté un maçon, alors que l'Italie voyait en lui un créateur. Né la même année que Le Bernin, Mansart a dû lutter pour sa reconnaissance, base d'une relative indépendance. Mignot le raconte bien dans le premier chapitre. «Tout jeune homme, Mansart fait rayer de ses premiers contrats le mot maçon qui le désignait pour le remplacer par celui d'architecte, qui s'affirme bientôt comme artiste, et qui veut rester maître de son dessin jusqu'à son accomplissement.» Il faut voir là une intention. Un vœu pieux. L'homme verra certains de ses chantiers interrompus, repris par d'autres et ses bâtiments modifiés par la suite. L'architecture forme le plus éphémère de tous les arts. Si l'on repeint rarement un tableau, une maison se voit sans cesse modifiée.
Une famille de maçons et de charpentiers
Mansart est un enfant de la balle, comme on dirait au cirque. Son père, sa mère étaient de familles de maçons ou de charpentiers. L'idée de vocation existe peu au XVIIe siècle. Dès 1611, à 13 ans, il se voit placé en apprentissage Débutant, il se retrouve ensuite sous la houlette de son beau-frère, qui construit le Parlement de Rennes, restauré il y a quelques années après un grave incendie. Il va ensuite à Toulouse, sous l'aile d'un oncle maternel. Revenu à Paris, il regarde ce qui s'y fait. Le grand homme de l'époque est Salomon de Brosse, qui élève notamment le Palais du Luxembourg. En 1623, Mansart est fin prêt. Il donne alors la façade l'église des Feuillants, aujourd'hui disparue. C'est pour nous la première lacune. Une grande partie de l’œuvre a été démolie dès le XVIIIe siècle (1). Complètement ou partiellement. Du château de Maison-Lafitte, il ne reste ainsi que le bâtiment central dans un petit jardin, alors que son vaste parc allait à l'époque jusqu'à la Seine lointaine.
Mansart a beaucoup construit. Dans Paris. A la campagne. Des églises, nées du grand renouveau catholique de la Contre-Réforme. Des châteaux de plaisance. Des résidences sinon royales, du moins princières. Il fut ainsi l'homme de Gaston d'Orléans, le frère de Louis XIII qui se voyait volontiers calife à la place du calife. Un espoir déçu par la naissance, après vingt-cinq ans de mariage, du petit Louis XIV en 1638. Le chantier de Blois, qu'il devait entièrement reconstruire, s'en retrouva interrompu, l'escalier d'honneur n'étant terminé qu'en... 1953. Notez que la chose a au moins eu le mérite de sauver les deux autres ailes, chefs-d’œuvre de la Renaissance.
Des projets restés sur papier
L'architecte a aussi travaillé pour Louis XIV, mais peu et sur papier. C'était déjà une figure d'un autre temps quand ce dernier s'arrogea le pouvoir absolu en 1661. «Mansart appartient à cette génération heureuse d'architectes du siècle de Louis XIII», note d'ailleurs d'emblée Claude Mignot. C'est le moment où, les Guerres de Religion plus ou moins apaisées, l'économie reprend et la construction redémarre. Paris s'orne alors d'hôtels particuliers, bien moins grands que les palais italiens, aux décors joyeux et clairs. La solennité un peu funèbre du siècle de Louis XIV n'est pas encore en vue, sur fond de désastre économique et militaire. Entre 1664 et sa mort en 1666, Mansart donne donc des dessins pour le Louvre, comme Le Bernin ou Piero da Cortona. On sait qu'il ne fut pas suivi. Ses inventions charmantes ne firent pas le poids face à la froide colonnade de Perrault.
Pour son livre, Claude Mignot a utilisé toutes les archives possibles. Il a bénéficié du fruit des recherches récentes, ayant permis d'attribuer à Mansart de nouveaux bâtiments. Il y a aussi eu des restaurations, pas toujours heureuses. Le ravissant hôtel abritant aujourd'hui les bureaux du Musée de la chasse et de la nature a ainsi perdu une galerie. On la croyait postérieure. A tort. Elle a été abattue. Difficilement accessible dans la mesure où il s'agit d'une zone militaire, le Val-de-Grâce a cependant vu son église correctement remise en état. Propriété des Forbes, le château de Balleroy est bien entretenu. Il est aussi possible de voir, à des heures de visite protestantes (2), la jolie église de la Visitation, près de la Bastille. Elle possède la plus ancienne coupole d'un Paris qui ne connaissait alors que les clochers gothiques.
Riche iconographie
Et puis il y a les images! Elles montrent tant les lieux dans leur état actuels que des plans, des élévations. Il y a un seul portrait de Mansart, gravé. Il le montre triste comme un chien cocker avec ses longs cheveux ses sourcils en circonlexe et un interminable nez. Mais c'est déjà beaucoup. Des contemporains de Mansart, sur lesquels il n'existe par ailleurs aucun livre grand public, on connaît en effet pas les traits. A quoi ressemblaient Jacques Lemercier, qui travailla au Louvre, Etienne Martellange, Louis Le Vau, Clément Métézeau ou Pierre Le Muet? Mystère.
(1) La perte la plus grave est sans doute l'église des Minimes, abattue après la Révolution, même si elle a été terminée par un autre architecte. - (2) La Visitation a été donnée aux protestants dans les premières années du XIXe siècle.
Pratique
«François Mansart, Un architecte artiste au siècle de Louis XIII et de Louis XIV» de Claude Mignot aux Editions Le Passage, 240 pages. Catalogue de l’œuvre de Mansart dressé par Joëlle Barreau et Etienne Faisant.
Photo (Centre des monuments nationaux): Le grand hall du château de Maison-Laffite. Un lieu très facilement accessible avec le RER parisien.
Prochaine chronique le lundi 27 mars. La religion égyptienne au Museum Rietberg de Zurich.
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LIVRE/Claude Mignot situe l'architecte François Mansart en son temps