Ouf! Réunie à Kyoto, l'ICOM n'a pasadopté la nouvelle définition croquignolesque proposée pourqualifier ce que doit devenir à l'avenir une institution muséale. Regroupant 124 pays, cette organisation faîtière ne l'a pasrepoussée non plus. Le projet n'a tout simplement pas été mis auvote, à la demande de la France, suivie par une majorité departicipants. Il se voit donc repoussé d'un an au pire, ou au mieuxà la saint glinglin.
Je vous rappelle les faits, qui avaientfait l'objet d'une de mes chroniques le 5 août ( https://www.bilan.ch/opinions/etienne-dumont/organisation-faitiere-licom-veut-aujourdhui-modifier-les-buts-et-les-regles-des-musees ). Il existaitjusqu'ici une définition bête comme chou du musée, dans laquelletout le monde pouvait se reconnaître. C'était compter sans l'assautdes modernistes, pour qui les idées de collection, de contemplationou de travail scientifique semblent obsolète. Selon eux, le muséedoit cesser d'être une sorte de temple, comme il se doit masculin,blanc et occidental, pour se muer en une version "soft" de l'hôpital. Nourriespar les «gender studies» ou les «cultural studies» nées dans lesuniversités américaines, les nouvelles normes devraient permettreun gigantesque pansement social. Les minorités, les femmes et lesenfants s'exprimeraient. Tout serait participatif. Aucune hiérarchie,vue comme archaïque et patriarcale. Je suppose que vous connaissezcomme moi la chanson (1).
Un coup d'éclat
Une Danoise, Jette Sandahl, s'étaitfaite la porte-parole du Comité permanent de l'association présidéepar Suay Askoy. Une Turque nommée à ce poste en 2016. Jette avaitpour elle son enthousiasme et la création de deux musées foireux enScandinavie. Je me suis tout de même étonné, lorsqu'elle a annoncéson coup d'éclat le 25 juillet, de voir une quasi vieillarde porterla bonne parole pour le XXIe siècle. Jette a un an de moins que moi,qui ne nourrit plus de telles prétentions. Son coup d'éclatressemblait fort à un futur coup d'Etat. La dame ne pensait pas queles pays, en plein été, aient le temps de se retourner avant unvote prévu à l'arraché le 7 septembre.
Vingt-deux pays se sont très viterebiffés, avec en tête la France. Cinq autres organisationsnationales ont suivi. Si les Etats-Unis, lobotomisés par lepolitiquement correct se montraient favorables à cette innovation,il n'en allait pas de même à la surprise générale pour le Canada, pourtant très bien pensant. Ni du reste pour l'Iran, la Russie, Israël oul'Argentine. Dans une remarquable chronique donnée au «Monde»,Michel Guerrin se demandait si l'on allait assister à une guerreidéologique des Anciens contre les Modernes. Les premiers auraientété les tenants des oeuvres et de leur étude. Les seconds lespartisans du seul débat sociétal au milieu d'un forum. Eh bien tel ne semble pas êtrele cas lors du vote du 7 septembre ayant abouti au repoussement de lamotion! Comme j'ai pu le lire hier en ligne dans «La Tribune del'art» (2) , celle-ci a été renvoyée par le 70,41 pour-cent desvotants, chaque pays disposant d'une voix.
Dangers plus graves
En conclusion, sans pendre bien sûrparti (les philosophes sont au dessus de ce genre de choses), MichelGuerrin craignait une explosion de l'ICOM, dont le seul pouvoir reste moral, alors que les muséesconnaissent des problèmes autrement plus menaçants qu'un résiduspotentiel d'élitisme occidental. Il parlait de la sur-fréquentationde quelques institutions face au vide abyssal de public queconnaissent les autres. D'un financement devenu toujours plusfragile. D'un modèle se calquant sans cesse davantage sur celui del'entreprise commerciale. De la prise de pouvoir des communicants surles experts. Bref, de choses dont je vous entretiens régulièrement.«Merveilleuse ICOM qui s'assied sur la réalité au risque de sessaborder», concluait Michel Guerrin. Un mot de la fin sans danger. L'homme s'arrêtait à temps. La véritable question serait en fait: «Est-ce que ce seraitvraiment très grave?» La même demandeque l'on pourrait hélasformuler aujourd'hui pour l'UNESCO.
Cela dit, en Suisse, il existevisiblement un fan club pour les idées rassemblées par JetteSandahl. Je pense au MEG de Genève, avec un nouvel éditorial selonmoi affolant de son directeur Boris Wastiau. Je vous en parle dans untexte situés une case plus haut dans le déroulé de cettechronique.
(1) Je note au passage que ce onttoujours les musées qui se retrouvent en ligne de mire. Nul neparle d'orchestres symphoniques inclusifs, où les auditeurss'empareraient des instruments, ni de livre dont les minoritéécriraient certains chapitres. Etrange, non? - (2) Didier Rykner avait soulevé dans«La tribune de l'art» un fameux lièvre. La motion préfère lemot «artefact» à celui d'«oeuvre». Unartefact suppose une intervention humaine. Dès lors, tous les muséesd'histoire naturelle ne seraient dorénavant plus des musées.
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L'ICOM n'a pas adopté sa définition politiquement culturelle des musées
La délibération a tourné court à Kyoto le 7 septembre. Menée par la France, la fronde a abouti à l'ajournement de la votation. La bataille des Anciens et des Modernes annoncée n'a pas eu lieu.