Je sais que vous en avez un peu marre,mais c'est pour une fois un bonne nouvelle. Si Notre-Dame de Paris n'est toujours pas assurée contre de possibleseffondrements, la cathédrale a été vidée samedi après-midi de tous ses tableaux, sauf deux se trouvant dans une zone encore à sécuriser (1). Non sans mal. Ilfaut dire qu'il s'agit de toiles énormes, situées dans des chapelles plutôt encombrées. Les fameux «Mays» donton a beaucoup parlé depuis lundi, alors que les visiteurs ne lesremarquaient même pas, mesurent du reste en moyenne douze mètres carrés. Sans le cadre, bien sûr! Il aura fallu quatre équipes de six transporteurspour les emballer et les sortir après constats, comme dans uneexposition, ai-je lu sur le site du «Figaro». Il semble queces morceaux de bravoure du XVIIe siècle n'aient subi aucun dommage.De toutes façon, il seront restaurés. Une chose qui ne leur étaitjamais arrivée jusqu'ici. Comme quoi à quelque chose malheur est bon. Certains devenaient presque invisibles àforce de crasse, à moins que cet effet n'ait été dû à unéclairage défectueux, voire inexistant.
Pourquoi ces toiles sont-elles si importantes? Je vais tenter de vous expliquer. Les orfèvresparisiens, qui avaient manifesté leur foi par d'autres dons annuelsdepuis le Moyen Age, se sont concentrés sur des tableaux dès 1630.Une énorme peinture, c'est plus visible qu'un objet ou un cadeau enespèces. Cela en met, au propre, plein la vue. Encore faut-il trouver un artiste ne coûtant pas tropcher. Les commanditaires se sont donc souvent adressés à debrillants débutants. Ils leur offraient une vitrine et un public àune époque où n'existait ni biennales, ni galeries, ni même un Salon tous les deux ans, comme ce sera le cas dès 1737. Une œuvre àsuccès, visible tous les jours, pouvait marquer le début d'unegrande carrière pour l'Eglise et surtout auprès de richesparticuliers. C'est ainsi qu'ont été lancés Charles Le Brun,Laurent de La Hyre et bien d'autres, puisqu'il y aura des Maysjusqu'en 1707 (à deux années près). Notre-Dame était alors devenue une sorte depinacothèque reflétant l'histoire du goût sur trois générations.Notons au passage que les artistes n'étaient pas forcément dévots,ni même catholiques. Trois protestants au moins, Sébastien Bourdon,Louis Testelin et Louis Chéron, ont ainsi donné leur grand morceausacré, sans que le clergé s'en soit formalisé. L'Edit de Nantes était pourtant révoqué depuis deux ans quand Chéron a rendu son travail en 1687...
Dispersion à la Révolution
A la Révolution, l'ensemble a étédécroché, puis dispersé. Il y a eu de la perte, sans qu'on sachetrop comment. Tant de tableaux avaient échoué dans des dépôts!Treize peintures seulement sont revenues à Notre-Dame par la suite.Des églises et la primatiale de Lyon en ont reçu d'autres. LeLouvre, qui ne savait trop qu'en faire, tant cet art semblait démodé,en a déposé dans les musées de province. Arras en recèle ainsi une superbe série, très bien mise en valeur il y a quelques annéesdans une galerie. Quelques Mays ont brûlé, mais pas à Notre-Dame.Un à Strasbourg en 1870. Un à Saint-Cyr en 1944. Ce qui subsisten'en forme pas moins le plus vaste ensemble conservé pour un siècledont presque tous les décors civils sont perdus en France. C'estparfois la seule œuvre sûre demeurant d'un créateur devenu rare...ou dont la trajectoire n'a pas été bien loin. Les Mays apparaissenten effet inégaux, même si les La Hyre ou le Le Brun serévèlent particulièrement beaux. Une grande exposition sur lethème me semblerait bienvenue pour y voir plus clair.
Un autre décor a été conçu plustard pour le choeur de Notre-Dame dans les années 1710. Une commande royale,cette fois. Il en restait sur place «La Visitation» de JeanJouvenet, dont je vous ai déjà parlé.
(1) Il s'agit d'un autre La Hyre que celui sur la photo et d'une immense toile du Bolonais Guido Reni.
N.B. "Marianne" a publié un effarant dossier sur les dessous de l'incendie de Notre-Dame. Il n'y aurait eu sous la toiture presque rien pour détecter le feu. Le gouvernement était au courant depuis un rapport de 2016. Il n'a strictement rien fait. Audrey Azoulay était alors en charge de la Culture. Elle chapeaute aujourd'hui l'UNESCO...
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Les Mays de Notre-Dame sont sauvés depuis samedi. Mais qu'est-ce au fait qu'un May?
De 1630 à 1707, les orfèvres de la capitale ont offert chaque année un tableau à la cathédrale. Mal payé, celui-ci lançait des artistes débutants en quête d'une visibilité alors difficile.