«Guerre et paix». On a reconnu letitre d'un roman de Léon Tolstoï, publié en feuilleton entre 1865et 1869. Un livre dont je confesse humblement n'être jamais arrivéau bout. Et de loin! Au début, je n'arrivais pas à comprendre quiétait qui, au milieu de cette jungle de personnages. Passé la page 300, je m'en fichais royalement. Tout ceque je connais aujourd'hui de la trame me vient donc du cinéma. Deuxversions clefs. Tournée en Italie courant 1956, la première est dueà King Vidor, appuyé par Mario Soldati. Audrey Hepburn s'y meutavec grâce dans les neiges napoléoniennes. La seconde émane deSerguei Bondartchouk. Sortie dix ans plus tard, cette réalisationdéploie ses fastes en quatre époques. Autant dire que c'est long.Aucun rouble n'a été épargné pour cet énorme machin, réaliséen 70 millimètres histoire de faire la pige à Hollywood. On étaità nouveau en pleine Guerre Froide sous le règne du tsar LeonidBrejnev. Il s'agissait donc de faire riche.
Dès le 31 juillet, les Cinémas duGrütli vont proposer à Genève un cycle intitulé «Guerre etpaix». L'entreprise complète en principe une exposition prévue parla Fondation Martin-Bodmer de Cologny. Je dis bien «en principe».Si le cycle du Grütli se terminera le 20 août, l'accrochage de cemusée du livre n'ouvrira ses portes que le 5 octobre pour seterminer le 1er mars 2020. Un net écart horaire. Il donnel'impression que cette cinémathèque à la genevoise se débarrassed'un devoir imposé quand il n'y a pas trop de monde en ville. Il estpermis de le regretter. Les 22 films sélectionnés proposent en effet uneimage novatrice du sujet. Le conflit armé se trouve moins au centre de la plupart des longs-métrages choisis que sesrépercussions, parfois lointaines, sur les populations et lesesprits. On se situe ici loin du «film de guerre», qui reste au cinémaun genre, comme le western ou la comédie. Pensez, pour prendre unseul exemple, au nombre extravagant de titres se situant en Francesous l'Occupation.
Guerre froide et démobilisation
Les deux moutures canoniques de «Guerreet paix» font bien sûr partie du programme, avec commecontre-partie (ou contre-poison) la parodie de Woody Allen imaginéesous le titre de «Guerre et amour» en 1975. Elles se verrontcomplétées par un nombre finalement faible de réalisations belliqueuses datant du temps de la guerre elle-même. Je citerai le«Colonel Blimp», qui révéla en 1943 l'Anglaise Deborah Kerr. Unerareté. Les programmateurs ont privilégiés les films d'après les armistices, quisuscitent une réflexion. En général amère. «Berlin Express» deJacques Tourneur (1948) se situe au moment où tombe en Europe le«rideau de fer». «Allemagne, année zéro» de Roberto Rossellini(qui n'a à mon avis pas bien vieilli) illustre l'impossibledénazification. «Les meilleures années de notre vie» de WilliamWyler raconte la difficile réintégration des soldats démobilisésdans l'Amérique de 1946. Leur entourage a pris l'habitude de vivre sans eux. «Lever diable au corps» de Claude Autant-Lara se situe à l'arrière,et pendant la guerre de 1914. De sages précautions. La chose n'a pasempêché de scandaliser la France de 1947.

Il fallait d'éviter de rester entresoi, autrement dit en compagnie des cinématographies les mieuxreprésentées sur les écrans occidentaux. La guerre est hélasuniverselle. Il y a donc un film indien («L'étoile cachée» deRitwik Gatak, 1960), trois productions soviétiques illustrant le«dégel» de la fin des années 1950 et la rigidification qui asuivi («Quand passent les cigognes» de Mikhail Kalatozov, 1957, «Lacommissaire» d'Alexandre Askoldov, 1967, et «Vingt jours sans laguerre» d'Alexei Guerman, 1977) ou un représentant sud-américain(«L'échine du diable» de Guiellermo de Toro, 2001. La Suisse,pourtant si neutre, se devait d'être là. Ce n'est pas avec unouvrage des années 1940, mais grâce au tout récent «Chris theSwiss» d'Anja Kofmel. Un œuvre se passant dans la Croatie en pleineguerre civile de 1992. Un mélange de documentaire et d'animation. Jevous avais prévenu que la guerre se verrait envisagée sous tous lesangles.
Et la comédie?
Le conflit se voit ainsi évoqué enmarge de «Casablanca » de Michael Curtiz (1943). Un chef-d’œuvreà la stylisation par ailleurs presque abstraite. Elle forme aucontraire la colonne vertébrale de «La grande parade» (1925). Un,sommet du muet qui fit la fortune de la MGM. Son réalisateur KingVidor (à nouveau lui!) se permettait pourtant l'audace d'amputerd'une jambe à la fin le jeune premier John Gilbert, entré avecenthousiasme au départ sous l'uniforme. Tous les récits, tous lestraitements sont en effet possibles. Y a-t-il même une vérité?Dans «La scandaleuse de Berlin», le Juif Billy Wilder faisait joueren 1948 à l'anti-nazie Marlene Dietrich le rôle d'une femme prêteà toutes les compromissions pour survivre sous Hitler. Un rôleprésenté comme presque sympathique, alors que la rigide et honnêteJean Arthur se voyait constamment présentée sous un mauvais jour.

Alors que je n'ai bien sûr pas toutcité, il me reste encore à parler du contingent italien, représentépar «La grande guerre» de Mario Monicelli (1959) comme par «Unevie difficile» de Dino Risi (1961). Deux œuvres magnifiques, aveccomme interprète commun Alberto Sordi. La grave question posée estici: «Peut-on rire de tout?» C'était permis dans les comédiestournées alors sans complexes à Cinecittà. Ce ne serait sans doute plus le cas aujourd'hui. On ne peut officiellement plus rire derien, sous peine d'offenser quelqu'un. Mais la vie, mais le cinéma,valent-ils encore la peine d'être vécus dans ces conditions? Lacensure forme à mon avis une autre forme de guerre, menée cette fois àl'intelligence. Une guerre victorieuse en ce moment.
N.B. Je vois à ma relecture que j'ai oublier de citer le très beau "Heroes for Sale"de William à Wellmann. Ce film a montage très serré (73 minutes!) montre l'abandon total des vétérans de guerre pendant la Grande Dépression de 1929.
Pratique
«Guerre et paix», Cinémas du Grütli,16 rue du Général Dufour, Genève, du 31 juillet au 20 août. Tél.022 320 78 78, site www.cinema-du-grutli.ch Le programme complet s'y trouve, ainsi que les horaires.
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Les Cinémas du Grütli vont relire "Guerre et paix" à Genève. Vaste sujet!
Vingt-deux titres ont été sélectionnés, sur les milliers de films possibles. Ils montrent autant les conséquence d'un conflit que son déroulement.