Les Cahiers dessinés se penchent sur Pierre Fournier, pionnier de l'écologie
Mort à 35 ans en 1973, l'homme a travaillé pour "Charlie-Hebdo", Hara-Kiri et créé "La gueule ouverte". Un livre raconte aujourd'hui son existence de militant.

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Crédits: Les Cahiers dessinés.C'est comme pour les trains. Un Pierre
Fournier peut en cacher un autre. A Genève, nous connaissons ainsi
le violoncelliste, mort dans la ville en 1986, et enterré sauf erreur
au cimetière des Rois. Nous ignorons en revanche le dessinateur,
disparu dès 1973. Un arrêt cardiaque à 35 ans. La France perdait
avec lui l'un de ses pionniers de l'écologie. Un imprécateur que
presque personne ne voulait entendre au moment où il disait: «Dieu
est mort. La science l'a tué. Mais elle a pris sa place.» Une
science forcément mauvaise pour lui. C'est l'arme de nos actuels
apprentis-sorciers, guère plus doués en ce domaine que Mickey dans
le «Fantasia» de Disney.
Pierre a en fait mené une triple vie, que détaille Diane Veyrat dans un livre récemment paru aux Cahiers dessinés. Il y a d'abord celle de l'employé un peu étriqué de la Caisse des dépôts et consignations. Il fallait bien que ce fils d'instituteurs puisse vivre. Puis est venu le dessinateur, même si l'ouvrage actuel ne comprend que du texte. S'est enfin développée l'action du militant, essayant de rester en accord avec ses principes. Un retour à la terre, non pas au sens où le gouvernement de Pétain l'entendait après 1940, mais dans une perspective de sauvetage global. «Pendant qu'on nous amuse avec des guerres et des révolutions (...) l'homme est en train (...) de rendre la Terre inhabitable, non seulement pour lui, mais pour toutes les formes de vie supérieure qui s'étaient jusque là accommodées de sa présence.» Une position pionnière dans une décennie de grand gâchis comme les années 1960. Les premières marées noires datent de 1967.
Faire revivre des villages
Rien n'aura été facile pour Pierre et
la famille qu'il a fondée. Même au sein de «Hara-Kiri» ou de
«Charlie-Hebdo», l'original fait figure d'illuminé. Mai 68 a beau
avoir passé par là. Il y a bien eu l'occupation du Larzac, avec ses
communautés tentant de vivre d'eau fraîche et de fromage de chèvre.
Les préoccupation des journaux contestataires restent encore politiques et
économiques, au sens strict du terme. D'où des dissensions entre
Pierre et ses comités de rédactions, même si son trait incisif y
reste apprécié. Les tentatives concrètes de faire revivre des
villages se solderont vite par des échecs. Difficile de rendre un
rêve bien réel. Les temps semblaient pourtant plus propices qu'aujourd'hui. La France rurale n'était pas encore en
train de crever sous le regard technologique des énarques. Tout se
termine pour le militant avec le lancement d'un périodique resté
mythique, «La gueule ouverte». Celui-ci aurait dû déboucher sur
la publication de livres un peu philosophiques. Il y avait de
l'ambition chez Fournier. Ces derniers n'ont jamais vu le jour.
Le petit livre actuel est le quatrième ou cinquième des Cahiers dessinés tournant autour de Pierre Fournier. C'est ce qu'on appelle une politique d'édition. Frédéric Pajak, qui dirige cette collection, est un fidèle et il sait garder une ligne. Autre membre de «Charlie-Hebdo», Delfeil de Ton s'est aussi vu parallèlement pris en considération. «Fournier, Face à l'avenir» émane d'une jeune auteure. A 32 ans, Diane Veyrat signe son premier livre. Un récit très empathique. Bien documenté. Bien conduit. Comme Fournier, Diane croit en la nécessité de changements individuels et collectifs. Au rythme où je vois autour de moi emprunter Easyjet et consommer des aliments supposés «bio» tirés d'emballages en plastique, je me dis qu'il y aura cependant beaucoup de travail à faire.
Pratique
«Fournier, Face à l'avenir», de Diane Veyrat, aux Cahiers dessinés, 190 pages.