
Qui a pondu l’œuf? Voilà une grave interrogation quand l’œuf en question se prétend de Fabergé. Mort à Lausanne en 1920, le joaillier des tsars a toujours fait l’objet de contrefaçons, puis de copies et de faux. Une affaire de ce type éclabousse aujourd’hui la Russie. Je ne dis pas qu’elle connaît autant de retentissement que la condamnation d’Alexeï Navalny. N’empêche que la contestation à une exposition de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg prend de l’ampleur. Elle s’internationalise, passant de la presse anglophone à la francophone. Je l'avais eu départ lue sur le site d'Artnet. Il s’y ajoute même des dimensions politiques, les personnes mises en cause étant apparemment des proches d’un certain Vladimir Poutine.
De quoi s’agit-il? L’Ermitage, que dirige depuis 1992 Mikhaïl Piotrovsky, propose une exposition Fabergé. Rien de plus banal, si ce n’est que le musée possède peu d’œuvres de cet orfèvre considéré par les uns comme un dieu et par les autres comme l’auteur des pires kitscheries possibles. Les prêts proviennent des palais de Peterhof ou de Pavlovsk, mais surtout du Fabergé Museum de Baden-Baden en Allemagne. Privé, ce dernier appartient à l’oligarque Alexander Ivanov, tout comme le Musée national russe de Moscou. Un autre fournisseur. Le reste vient enfin du Musée de la culture chrétienne (après tout, les œufs sont de Pâques!) de Saint-Pétersbourg. Ce dernier est le domaine d’un autre proche de Poutine, Konstantin Goloshchapov. Toutes ces pièces auraient été garanties authentiques en leur temps par l’experte Marina Lepato. L’ennui, c’est que cette dame est morte en juillet dernier.
Impossibilités factuelles
L’Ermitage couvre le tout de son manteau, comme une Vierge de la Miséricorde. «Il est difficile de mettre d’accord les spécialistes de Fabergé», se défend Mikhaïl Piotrovsky. L’ennui, c’est que les hauts cris viennent d’un des plus sûrs d’entre eux, le marchand britannique Andre Ruznikov. Ce dernier voit dans l’exposition, ouverte le 25 novembre et supposée durer jusqu’au 14 mars, des faux grossiers. Il y a là un sentiment, une intime conviction comme on dirait en Justice. Mais pas que cela! Le contestataire fournit en effet des listes d’incohérences et d’impossibilités. Le portrait de la fille du tsar Anastasia sur un œuf de 1904 est repris d’une photo de la princesse datant de 1906. De toute manière, il n’y a pas eu d’œuf en 1904-1905 à cause de la guerre russo-japonaise. Nicolas II ne porte pas le bon nombre de décorations sur un oeuf. Des provenances de ventes données ne jouent pas avec la réalité des faits. Ce n’est pas le bon numéro d’inventaire dans les comptes de Fabergé. Et cætera…

Le nombre de décorations de Nicolas II ne joue ici pas. Photo reprise d'Arnet.
Ruznikov s’interroge aussi sur la liste des prêteurs par l’Ermitage. Pourquoi ceux-ci? Surtout si l’on sait que le Fabergé Museum de Saint-Pétersbourg se trouve à quelques mètres de l’Ermitage. Ce dernier semble nettement plus sûr. Il abrite la collection Forbes, la plus belle du monde avec celle de la reine d’Angleterre. Celle-ci s’est vue acquise par Viktor Volksberg en 2004 pour 100 millions de dollars. Le choix étrange d'aller vers deux oligarques sent un peu la blanchisserie. Il cautionne des œuvres douteuses. Celles-ci pourraient se voir revendues très cher après. L’Ermitage lave donc plus blanc. Avouez qu’il y a là de quoi réfléchir...
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L'Ermitage exposerait en Russie de faux Fabergé appartenant à des proches de Poutine
L'affaire est soulevée par un marchand russe vivant à Londres. Il dénonce les incohérences d'oeuvres appartenant à des oligarques proches de Poutine,