Le Zentrum Paul Klee sur penche sur l'extase et les arts
Coproduite par Düsseldorf, l'exposition bernoise pêche par excès d'ambition. Il y a bien trop de thèmes traités pour un relativement petit espace

Une figure de Ferdinand Hodler, détail. On est ici déjà un peu loin du sujet originel.
Crédits: Musée d'art et d'histoire, Genève 2019Le monde semble toujours plein de
bonnes idées. Le problème, c'est qu'elle peinent souvent à se
matérialiser. Quand le Zentrum Paul Klee a annoncé il y a quelques
mois à Berne une exposition sur le thèmes de l'extase, il y avait
des promesses. Et cela même si je ne saisissais pas bien le rapport
entre cette manière se sortir de soi, pour reprendre l'étymologie
grecque, et la peinture du Germano-Suisse honoré en ces lieux. Je pensais aussi naïvement
qu'il s'agirait là du grand accrochage au rez-de-chaussée. Eh bien
non! La manifestation, qui se termine dans quelques jours, s'est
retrouvée coincée au sous-sol dans un espace à la fois petit, bas
et confiné.
Tout irait encore si le sujet ne s'était pas vu étiré à l'extrême. Le ZPK, qui a coproduit la chose avec le Kunstmuseum de Stuttgart, a aussi bien inclus l'extase religieuse elle-même que l'ivresse, la transe, la danse ou l'orgasme. Le mélange du sacré et du profane ne me dérange pas. Mais chaque élément pourrait faire le thème unique d'une exposition. Comment opérer des liens entre une séance d'hypnotisme longuement filmé en vidéo par la Néerlandaise Aernout Mit, un saint François de Zurbaran (tout étonné de se retrouver en telle compagnie!), une performance de Marina Abramovic, deux sculptures de Rodin, deux toiles de Marlene Dumas et une photo de «rave party» par Andreas Gursky de 2000, tirée comme il se doit en format géant? Le tout, bien sûr avec des dessins exécutés sous mescaline par Henri Michaux et dans l'ombre de la sainte Thérèse du Bernin.
Transversalité abusive
Vous me rétorquerez qu'il y a là de
la transversalité. Une des ces mots qui excusent actuellement tout,
c'est à dire n'importe quoi. Je suis désolé. Mais une rencontre,
si insolite soit-elle, ne fait pas forcément sens. Il y a un moment
où le visiteur finit par regarder chaque pièce pour elle-même, en
faisant avec soin abstraction des autres. Il y a Dieu merci ici
quelques morceaux de choix. Au rayon photographie, je signalerai la
présence du célèbre reportage de 1986 sur le train ramenant les
travailleurs noirs de Johannesburg à Soweto par Santu Israel
Mofokeng. Les wagons s'y métamorphosent en chapelles, avec rituels,
prières et intermèdes musicaux. Je mentionnerai aussi, venue des
réserves des musées de Strasbourg, l'étonnante composition
académique de l'inconnu Jean Brenner, intitulée précisément
«Extase». Il y a également deux spectaculaires Ferdinand Hodler se
situant aux limites du sujet, pourtant singulièrement vaste.

Le plus important apport reste cependant le «Portrait d'Anita Berber» d'Otto Dix de 1925. Un des chefs-d’œuvre du peintre allemand, souvent reproduit, mais rarement montré. Cette toile appartenant comme par hasard au Kunstmuseum de Stuttgart montre la sulfureuse actrice et danseuse de la République de Weimar en robe rouge sur fond rouge. La femme, qui allait mourir des ses excès à 29 ans dans un hospice, en a alors 26. Dix lui donne l'air d'une vieille peau septuagénaire. Que voulez-vous? L'extase fit partie des produit à consommer avec modération.
Pratique
«Extase», Zentrum Paul Klee, 3, Monument im Fruchtland, Berne, jusqu'au 4 août. Tél. 031 359 01 01, site www.zpk.org Ouvert du mardi u dimanche de 10h à 17h.