Le Sitem a tenu salon à Paris sur les musées. Tout doit se voir dorénavant "gamifié"
On a beaucoup parlé pour ne rien dire du 22 au 24 janvier. Il est question de décloisonnement, de réalité augmentée et de gestion des flux alors que nombre d'institutions de province sont aujourd'hui sinistrées.

L'affiche du Salon.
Crédits: DRJe me pose parfois des questions. Notez
que j'ai le temps. Je ne tripote pas tout le temps ma tablette. Je
viens ainsi de lire sur le site du «Monde» un article qui me laisse
songeur. Signé par Phœbé Humbertjean et Xavier Bourgine, il
commente sans la moindre distance critique le récent Sitem ou Salon
professionnel international des musées, qui s'est tenu à Paris du
22 au 24 janvier 2019. Il n'y est question au mieux que de
restauration (restauration miam miam, je précise), d'hôtels et de
commerces locaux. Au pire des directions à prendre, «à l'heure du
décloisonnement de la culture». On les connaît, hélas. «Nombreux sont ceux qui misent sur
le divertissement.»
Il y a bien sûr là de tout sous ce vocable. Beaucoup de mapping. Il s'agit on le sait de projections lumineuses sur des structures ou des monuments. Il en est de très réussies. D'autres se révèlent plus poussives. De là à «dynamiser l'image d'une ville», comme dit «Le Monde», il y a cependant un monde. Le Sitem a aussi parlé de réalité augmentée. D'applications permettant d'éviter les files d'attente. Tout doit devenir ludique, comme à l'école. Il s'agit de rendre une visite plus attrayante. En jargon muséal, cela s'appelle de la «gamification». Il y a du reste des jeux de piste. Le quotidien parle audacieusement de «souligner l'importance des approches décloisonnées (vous voyez, le mot revient!) ou analytiques.» Cela ne veut bien sûr rien dire. Mais on sait à quel point les technocrates aiment à se gargariser de mots.
L'effet TGV
Les lieux dont il est question à
longueur de lignes du «Monde» sont bien sûr les musées à grande
affluence. Je veux bien qu'ils aient leurs problèmes. Il n'empêche
que la chose tient une nouvelle fois de l'effet TGV. En France, on ne
regarde plus que le haut du panier, en évitant comme le Diable de
porter l’œil sur le bas de ce dernier. On verrait par exemple à
quoi ressemble les trains de second ordre, quand ils n'ont pas été
supprimés pour des raisons d'économie.
Parce qu'enfin, les petits lapins, il faudrait tout de même affronter les choses en face! Bien sûr que le Louvre a compté 10,2 millions d'entrées en 2018. Il n'empêche que certaines institutions de province ne voient quasi personne venir. Jamais. Gérer les flux n'est vraiment pas leur problème. C'est tout juste si on ne débouche pas le champagne quand il a passé dix personnes dans la journée. Il y a ainsi des musées d'en bas comme il existe une France d'en bas. Vous me direz que c'est la même chose en Suisse, le pays aux 1200 musées. Oui, mais sans cette auto-satisfaction des élites qui nous irrite si fort chez nos voisins d'outre Jura (sauf peut-être à Genève...).
Le cas de Lens
Toute l'introduction de l'article des deux compères se voit consacrée au Louvre de Lens. Y ont-ils jamais été? Moi, si. Et je peux vous dire que je m'y suis senti, en dépit de la présence de quelques groupes, comme Buster Keaton dans «La croisière du Navigator». Vous savez, quand l'acteur doit faire la cuisine pour deux dans des marmites destinées à des repas pour cent personnes. L'actuelle directrice du Louvre Lens (le premier directeur a jeté l'éponge) Marie Lavandier a beau nous dire que: «les musées ne sont plus des acteurs isolés. Ils ont un lien avec le territoire.» Ce dernier n'en reste pas moins désolé. Le champ de ruines. Lens, c'est la zone! Les problèmes de billetterie à gérer de manière analytique, cela reste par conséquent pour Paris... et même pas tout le monde.