« - Le petit, là, il deviendraartiste un jour . - - Comment ça? , demanda mon père. - - Je le vois à ses yeux .»
Nous sommes vers 1950, en Appenzell. Néen 1938, Roman Signer a environ 10 ans. Son père est musicien. Le meilleur ami de ce dernier s'appelleJohannes Hugentobler (1897-1955). Il fait de la peinture. C'est luiqui a osé le diagnostic. L'enfant n'a cependant pas tout à mené lacarrière prévue. Aujourd'hui représenté par cinq galeristes dansle monde, même si son œuvre pérenne ne se vend pas très bien, leSuisse alémanique se révèle plutôt du genre bricoleur. Un peucomme les duettistes Fischli & Weiss réalisent le film «DerLauf der Dinge» en 1987. Il faut le lire raconter ses expéditionsde jeunesse à Saint-Gall, dans les grands magasins EPA. «C'étaitle paradis. On y trouvait quantité de choses comme par exemple lesbeaux tourne-vis avec manche en plastique coloré, des fiches bannes,des pinces crocodiles, des câbles, des boyaux, toutes ces chosesintrouvables à Appenzell à l'époque.»
Est-ce parce qu'il conçoit aujourd'huides interventions de quelques secondes à peine, avec pétards,fumées ou poussées hydrauliques? Signer sait raconter des histoirescourtes. En quelques mots, tout un monde se voit évoqué. Sessouvenirs de jeunesse ressemblent du coup à des instantanés en noiret blanc. Le lecteur peut le vérifier avec le «Roman Signer parlui-même», aujourd'hui édité par son homonyme David Signer, d'unegénération plus jeune que lui. Un recueil de textes. Tout commence ainsi pardeux discours prononcés l'un en 1998 et l'autre en 2004. L'artistes'y racontait à l'occasion de la remise d'un prix culturel. L'hommefaisait resurgir ceux qui ont entouré ses premières années.Puis il y a eu la Pologne, où il s'était vu parachuté par unebourse, et dont il ramènera non sans mal son épouse Aleksandra. Lespropos tenus s'arrêtent vers 1980. Normal. Dans les mémoires, lesgens s'attardent toujours sur leur débuts. Une formed'attendrissement sur soi-même. Il fut un temps où tout restaitpossible et où l'avenir apparaissait bien incertain...
Un coup bien préparé
David Signer prend ensuite le relais.Il parle de celui qui est devenu son ami. Il s'entretient aussilonguement avec lui. Tout reste aussi limpide, aussi clair, aussiévident qu'au début. Roman est un créateur simple, sans tropd'états d'âme, qui prépare à chaque fois un coup impossible àrater. Avec une performance, surtout publique, l'erreur n'est pasdavantage permise que pour un acrobate. Il faut ainsi l'entendre (carle lecteur croit au bout de quelques pages entendre sa voix) relatercomment il a fait sauter une paire de bottes au plafond d'un étagedu Centre Pompidou. Imaginez les dégâts que le Suisse aurait pu yfaire! Mais pourquoi des bottes, au fait? «C'est une fascination quiremonte à mon enfance à Appenzell, où mon grand-père possédaitune serrurerie et portait de telles bottes. Parfois, je les chipaispour aller patauger dans la Sitter. Je trouvais cela fantastique. Tues au milieu de l'eau, tu ressens le froid, mais tes pieds restentsecs!»
Signer raconte tout aussi bien sacourse d'endurance dans une imprimerie, la conception d'une boulegéante à Shanghai (cet artiste très Pro Helvetia est aujourd'huiconnu jusqu'en Chine) ou la levée du corps de son père avec, enaction, la fanfare qu'il avait dirigée. Il explique aussi comment le«land art», interventionniste de manière durable, lui semble uneforme de pollution. Il y a ainsi cent autres choses et anecdotes dansce petit livre. Mais je ne vous en dis pas davantage. Allez plutôtl'acheter!
Pratique
«Roman Signer par Roman Signer» auxEditions David Signer. 166 pages.
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Le performeur alémanique Roman Signer se raconte dans un petit livre. Jouissif!
A 80 ans, l'Appenzellois évoque son enfance, sa fascination pour le bricolage, sa vie en Pologne communiste ou certaines de ses interventions artistiques.