Le "Parcours céramique" de Carouge fête ses 30 ans dans vingt-cinq lieux genevois
Biennale, la manifestation est aujourd'hui bien ancrée. La cuvée actuelle reste moyenne, mais il y a tout de même d'excellentes expositions en galeries. Suivez le guide!

Ashraf Hanna propose des céramiques par paires chez Ligne 13.
Crédits: Site de l'artiste.Trente ans déjà? Ou trente ans
seulement? Tout est question de regard. N'empêche que, biennal, le
«Parcours céramique» semble aujourd'hui bien ancré à Carouge. Il
faut dire que la ville a pour elle une solide tradition en la
matière. Depuis plus de deux siècles, des ateliers de potiers
parsèment ses rues. Il y a d'abord eu une production de faïence
quasi industrielle. Elle va des Baylon à Marcel Noverraz. Nous en
arrivons maintenant à l'artisanat d'art. Vous avez noté la
différence. La production aujourd'hui montrée dans vingt-cinq lieux
(en comptant ceux qui font l'objet de l'article situé une case en
dessous dans le déroulé de cette chronique) entend ainsi se
distinguer de la simple vaisselle. D'ailleurs, qui mange encore dans
de la vraie céramique?
Au fil des décennies, la gestion du «Parcours», lancé en 1989, a passé de mains en mains, un peu comme le flambeau des jeux olympiques. L'organisation et la programmation sont aujourd'hui signées en tandem par Emilie Fargues et Mélanie Varin. L'événement lui-même se place sous le patronage de la Fondation Bruckner. Les participants restent en revanche toujours un peu les mêmes. Il semble en effet difficile de concevoir un «Parcours» sans Marianne Brand, dont la galerie laisse toujours une large place aux arts du feu, ou sans l'Atelier Maison Potter (aucun rapport avec Harry Potter), où travaillent de nombreux créateurs. Marianne, comme je l'ai déjà souvent dit, reste une sorte de déesse mère de la céramique en terres genevoises. Il faut dire qu'elle tournait elle-même avant de se mettre au service des autres. Sa consoeur Michèle Dethurens a hélas dû déclarer forfait cette année. Dommage... Elle proposait régulièrement des artistes très intéressants.
Public motivé
Autrement, tout roule donc entre la rue
Ancienne, la place de Sardaigne et le boulevard des Promenades. Le
«Parcours» commence par deux journées portes ouvertes. Il fait
plutôt beau cette année, ce qui joue son rôle. En ce samedi 28
septembre, on ne peut pourtant pas dire que les foules se mobilisent.
Le public est plutôt fait de gens motivés. D'acheteurs aussi.
Suivant où, je vois des points rouges. La céramique demeure, à
quelques noms prestigieux près, un art financièrement accessible.
Rien à voir avec les prix affichés aux Bains ou en Vieille Ville.
L'étiquette «arts décoratifs» n'a pas encore disparu en Europe.
Ni en Chine apparemment, si j'en crois les listes que j'ai vues
affichées pour des créateurs venus du pays de la porcelaine.

Que retenir de cette année? Difficile de répondre. Il s'agit selon moi d'une cuvée assez moyenne. Si le niveau général reste bon, je peux difficilement parler de révélations comme en 2017. Mais soyons positifs! Véronique Philippe-Gache a eu la main heureuse à Ligne 13. L'Anglo-Egyptien Ashraf Hanna propose des vases aux signes sinueuses, mais simples. Ses monochromes semblent se répondre par paires. Le noir à intérieur jaune ne devrait pas se voir séparé du jaune à intérieur noir. Voilà qui double évidemment les dépenses. Peter Kammermann donne dans l'hyper classique avec le Britannique Matthew Warner. Des urnes noires, dont la découpe rappelle les «black basalt» créés par la manufacture de Wedgwood à la fin du XVIIIe siècle, décor en moins. C'est délicieusement funéraire. Chez Nov, Laurin Schaub allie savoir-faire artisanal et design numérique avec bonheur. Le Suisse me semble mieux inspiré que le Néerlandais Olivier van Hept, qui manipule le 3D en apprenti sorcier. Ses pièces, présentées par Téo Jakob frappent par leur perfection glacée. Mais après tout, elles vont bien avec le mobilier triste fourni par cette maison au design surgelé.
Les décors de Manuel Canu
Et autrement? Je n'ai pas tout vu, bien
sûr. J'ai cependant été frappé, comme tout le monde, par les
ornements de terre crue apposés sur les murs de la Fonderie par
Manuel Canu. Un retour du décor tel qu'on le concevait jusque vers
1914 pour les façades d'immeubles. Les constructions en biscuit de
porcelaine de la Franco-belge Mart Schrijvers m'ont intrigué par
leur agencement savant à la galerie Aubert Jansem. Les sculptures
abstraites, ou semi-abstraites, de la Française Gisèle
Buthod-Garçon m'ont intéressé chez Séries Rares, même si le mot
«intéressé» est affreux. Et il y a bien sûr ce que je n'ai pas
aimé, de Jérôme Galvin chez C'Bos à Sarah Pschorn au Salon Vert.
Le travail d'un artiste vous correspond ou non. L'objectivité
n'existe pas. La création reste toujours après coup une affaire de
rencontres. Elle se fait. Ou elle ne se fait pas.

Il n'y a pas que des expositions, dans le «Parcours». Ses responsables ont prévu des démonstrations, des visites guidées, des ateliers, des conférences et des projections. Il y a à la Fonderie un Café Céramique, où l'on boit sans doute la tasse. Et, comme nous sommes dans un art du feu, un «Fire Art» est prévu à la tombée de la nuit, place de Sardaigne. Des flammes sortent alors d'une œuvre installée là où se tenait lors de précédentes éditions un marché céramique. Il me manque un peu, celui-là. Mais évidemment, la poterie vise aujourd'hui au grand art...
Pratique
«Parcours céramique», Carouge, divers lieu dans la ville. Jusqu'au 6 octobre. Ouvert du lundi au vendredi de 11h à 18h30, les samedis et dimanches de 11h à 17h. Site général www.parcoursceramiquecarougeois.ch Tél. 022 300 07 18.