Le Palazzo Pitti de Florence célèbre le bronze baroque avec "Plasmato dal Fuoco"
L'exposition regroupe 170 oeuvres, venues du Vatican comme du Louvre ou du Getty. Le parcours va de Giambologna, mort en 1608, à la fin du XVIIIe siècle toscan.

Le Crucifix de Giambologna
Crédits: Palazzo Pitti, Florence 2019.Les petits bronzes ont mauvaise
réputation. Les amateurs ont dans l’œil les éditions de la fin
du XIXe siècle, où les modèles animaliers se voyaient débités
par des fondeurs comme nos modernes lapins en chocolat. Le même
sujet en plusieurs tailles, sans limitation de tirage. De la fin du
XVIe siècle au XVIIIe siècle, il s'agissait en revanche d'un art de
prestige, même si certaines compositions reprenaient en miniature
des statues antiques ou des créations de la Renaissance. Le Palazzo
Pitti le prouve aujourd'hui avec «Plasmato dal Fuoco». Une
exposition qui se voit présentée dans les somptueuses salles à
fresques du Museo degli Argenti. Un lieu prestigieux dans la mesure
où il abrite le trésor presque intact des Médicis.
Tout commence ici dans les années 1570, même si Mantoue et Padoue avaient déjà produit de fort beaux bronzes depuis le milieu du XVe siècle. Le parcours part avec la figure prestigieuse de Giambologna (1529-1608), jugé par les grands-ducs de Toscane comme le digne héritier de Michel-Ange. Ce dernier travaillait essentiellement le marbre. Son successeur préférait, tout comme Benvenuto Cellini, le bronze avec les problèmes de fonte que cette matière supposait à l'époque. Né à Douai, alors situé dans les Flandres, l'homme était tôt descendu vers le Sud. Presque illettré, n'ayant jamais assimilé l'italien, il a vite joui d'un immense prestige dû à sa virtuosité sans pareille. Son «Mercure» ailé repose ainsi sur quelques doigts de pieds. La science des poids et contrepoids. La statue tient bon depuis près de cinq siècles. On peut comprendre que tous les souverains aient voulu des créations de sa main. Ou leurs réductions aux dimensions d'une statuette.
Fontes et patines
Giambologna ouvre donc le parcours,
avec son «Christ en Croix» ou son «Saint Jean». Des pièces aussi
prodigieuses par leur art de modeleur que par celui du fondeur. Le
tout avec des patines admirables. C'est pour le visiteur le début
d'un itinéraire qui va comprendre 170 œuvres, parmi lesquelles de
nombreuses redécouvertes récentes (1). Il finit au XVIIIe siècle
avec des sculptures décoratives, mais aussi des objets. Comment
opérer d'ailleurs la différence entre ces aiguières d'apparat et
ce qui était devenu avec le temps des bibelots de haut luxe? Et cela
même si de nombreux sujets restaient religieux. Douze groupes pieux
furent ainsi créés pour Anna Maria Luisa de Médicis, avec qui la
dynastie se termine en 1743. Ils ne firent pas partie du fonds
familial, qu'elle destinait à l'Etat toscan pour éviter les
convoitises de ses héritiers (et par conséquent les dispersions).
Ces œuvrettes lui servirent à des legs amicaux. Le Pitti peut en
proposer onze sur douze, le dernier sujet ayant été identifié il y
a peu en Espagne.

Au fil des salles, qui comprennent quelques tableaux pour donner un peu de couleurs, le visiteur doit se familiariser avec des noms peu connus, du moins hors du cercle des spécialistes. Il y a ainsi du Massimilano Soldani Benzi, du Giovan Battista Foggini, du Francesco Susini, du Damiano Cappelli ou du Giuseppe Piamontini. Des gens dont il faut à chaque fois saluer l'élégance, même si leurs créations ne possèdent pas toutes les qualités d'un Giambologna, qui savait comme le feront plus tard Le Bernin ou Canova, rendre leurs œuvres belles et intéressantes regardées de n'importe quel point de vue. Tout cela se voyait précédé de nombreux dessins. Le Pitti peut ainsi présenter 42 feuilles acquises dans le commerce d'art parisien en 2017. Elles sont de Soldani Benzi. Le visiteur découvre du coup comment se construit une réalisation en relief à partir des deux dimensions du papier.
Un art très recherché
Une telle présentation, organisée par
Eike Schmidt, le directeur des Offices (et donc du Pitti) Riccardo
Gennaioli et Sandro Bellesi, exigeait de nombreux prêts. Vu le côté
novateur d'une manifestation ne s'étant jamais faite jusqu'ici, ils
ont été obtenus. Le Louvre, le prince de Liechtenstein, le Vatican,
le Victoria & Albert, le Getty, la National Gallery de Washington
ou l'Ermitage ont envoyé des pièces majeures. Le financement s'est
sans doute révélé difficile. Ce genre d’objets d'art coûte des
fortunes. Je vous signale à tout hasard qu'une petite «Géométrie»
d'après Giambologna, modestement estimée cette année entre 30 000
et 50 000 euros chez Artcurial, a fini par partir à 3 750 000 euros.
Alors imaginez la valeur des chefs-d’œuvre du genre!

Pour conclure, je dirai qu'une visite à
cette réunion de pièces maîtresses me semble aussi indispensable
que celles aux majoliques du XVIe siècle réunies cet été au
Palazzo Madama de Turin (je vous en avais parlé à l'époque). Un
art dit mineur révèle dans les deux cas ce qu'il peut offrir de
spectaculaire et de créatif. De majeur, en un seul mot. «Plasmato
dal Fuoco» ne se verra sans doute pas refait avant longtemps. Il y a
comme cela des occasions à saisir. Alors que Monet, Picasso ou
Warhol, on finit tout de même par les connaître à fond à force de
répétitions. Vous supportez encore Picasso, vous?
(1) Deux statues d'après l'antique faites pour la Tribune de Buontalenti ont té retrouvées tout récemment à Rome, dans le Ministère de l'économie et des finances. On était à leur recherche depuis cent cinquante ans.
Pratique
«Plasmato dal fuoco», Palazzo Pitti, 1, piazza de' Pitti, Florence, jusqu'au 12 janvier 2010. Tél. 0039 055 29 48 83, site www.uffizi.it Ouvert du mardi au dimanche de 8h15 à 18h50.