C'est l'une des expositions les plusimportantes de l'année. Pour qui? Je ne sais pas. Je vais donctenter de vous expliquer pourquoi. Présenté au Palazzo Madama deTurin, «L'Italia del Rinascimento, Lo splendore della maiolica»aborde un sujet en apparence pointu. La céramique transalpine duXVIe siècle ne connaît pas ce que j'appellerais une pointe depopularité. Très à la mode parmi les musées et lescollectionneurs au XIXe siècle, d'où l'apparition d'un nombreconsidérable de faux à l'époque, elle reste aujourd'hui dansl'ombre. Au sens propre, parfois. Le Louvre, qui en possède unensemble admirable, ne daigne même pas éclairer les vitrines lescontenant. Comme elles se trouvent en plus dans les salles contenantdes tapisseries à mettre à l'abri de la lumière, vous imaginezs'il faut cligner des yeux pour apercevoir quelque chose.
A la Renaissance, la céramique, quel'on nomme aujourd'hui en français «faïence» à cause de la villeitalienne de Faenza, passait cependant pour un art majeur. La production despièces les plus spectaculaires, conçues pour orner d'énormesdressoirs, était longue, chère et complexe. Il est permis de songerà celle de la porcelaine qui lui succédera au XVIIIe siècle, aprèscent ans d'ensommeillement créatif. Une fabrique ne pouvait guère espérerune rentabilité avec les œuvres les plus importantes. Elle pouvaitun peu se rattraper sur le tout-venant. Mais il lui fallait despatronages princiers. Le meilleur pouvait dès lors servir de cadeaudiplomatique. Un énorme rafraîchissoir (70 centimètres de large!)proposé au Palazzo Madama illustre bien les enjeux. Ce modèle sortià Urbino dans l'atelier des Fontana ou des Patanazzi était unecommande du duc (d'Urbin, donc) pour un envoi à Philippe IId'Espagne, qu'il s'agissait d'impressionner. Le somptueux décor,représentant une course de chars romains, était dû aux frèresZuccaro, qui dominaient la scène picturale romaine. Du plein la vue.
Tout dans un seul salon
Il y a bien des manières de raconterl'apogée de cet art, qui démarre assez modestement vers 1450 pourdécliner rapidement après 1600. Responsable de l'importantecollection du genre au Palazzo Madama, en partie voué aux arts décoratifs,Cristina Maritano a su faire appel à Timothy Wilson. Un nom trèsrépandu. Il s'agit ici bien sûr ici de l'historien. L'homme aapporté à l'exposition la rigueur et la clarté propres au mondeanglo-saxon. Il a choisi de créer un parcours aux entréesmultiples. Une idée facilitée par l'énorme salon où se trouvepresque l'intégralité de «L'Italia del Rinascimento» (1). Avecses quinze mètres de haut et une surface devant bien faire 500mètres carrés, cette pièce de réception est un cube laissanttoute liberté. D'où des cimaises et des vitrines là où il faut.Avec de l'espace libre autour, en plus. L'exposition respire.

Quelles sont ces «multiples entrées»?Il y a la chronologie historique. La dispersion des fabriques, quivont du Nord au Sud de la Péninsule, celles du bout de la Botteémergeant à peine de l'oubli. Les techniques, avec notamment lefameux lustre spécifique à Deruta. Une petite place devait ainsi sevoir laissée aux premiers essais de porcelaine à Florence, vers1570. La typologie des décors se voit étudiée, des images de«belles femmes» aux motifs religieux. Ces motifs ne sont pasoriginaux. L'exposition essaie donc d'en retrouver les sourcespeintes ou gravées. L'utilisation pratique joue aussi son rôle. Unesection se voit du coup réservée aux pots médicinaux. Il y a lesformes. Elles vont des plus traditionnelles aux plus extravagantes,avec des tentatives de sculptures céramiques. Les commissairespensent enfin aux couleurs. Ces créations insensibles au soleil nousdonnent le la notion d'un monde violemment polychrome. Comme le MoyenAge, la Renaissance a aimé les tonalités faisant boum.
Collections privées
Cristina Maritano et Timothy Wilson ontbien sûr voulu aligner les chefs-d'oeuvre. Ils les ont puisés dansle fonds du Palazzo Madama et dans les collections particulières. Lamanifestation offre en effet la particularité de ne pas avoir faitappel aux autres institutions. Surprise! Il subsiste des amateurs,apparemment dotés de moyens financiers importants, pour s'intéresserà ce genre d'objets. Ils les ont souvent acquis récemment. Enlisant attentivement les notices de l'excellent catalogue, le curieuxdécouvrira ainsi de multiples provenances Sotheby's ou Christie's dutroisième millénaire. Il ne s'agit pas là de ventes médiatiques.D'où notre ignorance à ce type de marché.

Le duo a cependant aussi retenu despièces plus modestes comme caractéristiques. Il ne s'est pasproduit que des œuvres géniales au XVIe siècle. Il se fabriquaitaussi des carreaux pour garnir les sols. Des assiettes ou des brocs destinés au quotidien. Il faut imaginer une production énorme dans deslieux multiples, même si l'Italie d'alors ne possède pas le côtéproto-industriel de la Chine à la même époque. Des objetsutilitaires jetés, après avoir été malencontreusement cassés.Ils s'en retrouve des quantités de fragments lors des fouillesarchéologiques en milieu urbain.
Un désir de réhabilitation
L'idée générale va néanmoins dansle sens d'une réhabilitation d'un genre déconsidéré. Il s'agit defaire dire «ah» et «oh» aux visiteurs. Reste que Turin n'est pasune ville touristique. Pour les Italiens eux-mêmes, elle apparaîtcomme décentrée, ce qui lui a joué des tours dans l'Histoire.Ville des Savoie devenus rois d'Italie, elle aurait logiquement dûdevenir la capitale en 1860. Si l'endroit choisi se révèle parfait,permettant en outre de montrer les rarissimes majoliques sorties desfours turinois, la cité n'est donc pas idéale en dépit de sesréelles beautés. Il faut faire le voyage. Cela dit, les «happyfew» mériteraient sans nul doute ici d'être plus nombreux.
(1) Une autre chambre reconstitue uneénorme crédence surchargée de majoliques.
P.S. A Varallo, le Palazzo dei Musei, Pinacoteca présente une autre exposition de majoliques jusqu'au 22 septembre, "La Collezione Franchi dialoga con i grandi musei". Site www.pinacotecadivarallo.it
Pratique
«L'Italie del Rinascimento, LaSplendore della maiolica», Palazzo Madama, piazza Castello, Turin,jusqu'au 14 octobre. Tél. 0039 011 44 33 01, site www.palazzomadamatorino.it Ouvert tous les jours, sauf mardi, de 10h à 18h. La visite du muséeen sous-sol et des appartements baroques à l'étage vaut la peine.Et tâchez de gravir le célèbre escalier baroque de Filippo Juvarra, qui occupe toute la façade!
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Le Palazzo Madama de Turin montre la majolique italienne de la Renaissance
L'exposition regroupe environ 220 pièces, choisies parmi les plus belles. Elle a aussi été conçue de manière géographique, historique, technique et pratique. Une réussite totale.