Le sujet est visiblement dans l'air.«Mito», au Palazzo Leoni Montanari de Vicence, rejoint les«Métamorphoses du Musée d'art et d'histoire de Genève (dont jevous ai récemment parlé) et l' «Homère» du Louvre de Lens, quime reste encore sur la conscience. Il s'agit à chaque fois deraconter les histoires évoquant les dieux et les héros antiques.Vaste programme! Celles-ci se révèlent presque innombrables, même sicertaines ont davantage intéressé les artistes que les autres. Lemonde est injuste. La réservée Junon (ou Héra) a bien moinsinspiré que la cavaleuse Vénus (ou Aphrodite). Décidément, lavertu ne paie pas, ou alors il faut qu'elle reste bien petite...
Le Palazzo Leoni Montanari n'appartientplus depuis longtemps à des privés. Les marchands enrichis par lecommerce de la laine qui ont fait bâtir ce somptueux bâtiment dansles années 1680 ont vu s'éteindre leur dynastie en 1831. La bâtissea ensuite passé de main en main. Elle a fini dans celles de banques.Si l'Intesa SanPaolo (qui a fait l'objet de plusieurs de mes textes)y fête aujourd'hui ses vingt ans d'expositions dans les lieux, elley reprenait une solide tradition. Je me souviens d'avoirinterrogé ici début 1996 la personne qui s'occupait des accrochages etdes publications savantes. Elle travaillait pour L'AmbrosioVeneto, qui résultait déjà d'une fusion. L'Ambbrosio possédaitd'importantes collections, dans le genre classique.
Une énorme meringue
Mais tout cela, c'est le passé!L'anniversaire officiel célèbre bel et bien les deux décennies del'Intesa en ces lieux. Il s'agissait donc, si j'en crois le prièred'insérer, «d'une occasion pour inviter les visiteurs à ladécouverte de ses intérieurs, superbe témoignage du mécénat etde la culture figurative italiens». La banque parle ici des LeoniMontanari, tout de même. Restons modestes. Ces derniers, parfaitsexemples de nouveaux riches (il en existe à toutes les époques)avaient pourtant contrevenu aux normes vicentines, faites de pureté de ligneet d'apparente simplicité. Dans la ville de Palladio, classée commetelle au Patrimoine de l'humanité, ils avaient imaginé une sorted'énorme meringue chantilly baroque avec des plafonds sur-décorésde stucs blancs saupoudrés d'or. On en mangerait.

Les Leoni (j'abrège) avaient bien sûrfixé un programme à leurs artistes. Giuseppe Alberti a parexemple décoré le grand salon, en partie refait vers 1800, defresques tournant autour d'Apollon, divinité à la fois solaire etcruelle. L'idée est donc de donner, en miroir à ces peintures, desmarbres antiques, des vases grecs ou des tableaux néo-classiquesexplorant les mêmes légendes, parfois vues sous un autre angle. Ily a, comme ça, des mythes (nous y voici!) ayant traversé lessiècles et même les millénaires. Le parcours s'arrête autour de1830, avec des objets décoratifs virtuoses. Il eut étépossible d'aller plus avant, comme le Louvre de Lens, qui a osé lecontemporain Cy Twombly. Mais le siège vicentin de l'Intesa se veutpatrimonial. Les XXe et XXIe siècles se retrouvent plus volontiersdans celui de Milan.
Découvrir Pompeo Batoni
Cela dit, trois mille cinq cents ans,c'est tout de même du chemin! Les commissaires Fernando Mazzocca,Federica Giacobello et Agata Keran devaient brasser de l'archéologie,des créations de la Renaissance et des productions de l'âgebaroque. Mélange difficile. Ils ont donc décidé de présenter peude pièces par salle, mais prestigieuses. Il y a là des céramiquesattiques somptueuses venues des Pouilles, des fresques romaines dePompéi envoyées par Naples et de beaux tableaux peu vus arrivés de Turin ou de Florence. Leparcours débute ainsi avec l'«Apollon avec la musique et lagéométrie», qui associe ainsi des arts libéraux qu'on neregrouperait plus de la sorte aujourd'hui. Il s'agit d'une toilecréée à Rome par Pompeo Batoni (1708-1787), qui était de Lucques.Ce bel artiste, croupissant souvent dans les caves des muséesitaliens alors qu'il vaut un saladier sur le marché de l'art (maiscomment régater avec les grandes vedettes aux Offices?), seretrouvera d'ailleurs souvent sur les murs de Leoni. C'est notamment le cas pourdeux versions, très différentes, d'«Hercule devant choisir entrela vertu et le vice». Les propriétaires étaient sensibles au mythed'Hercule, humain devenant dieu.
On sait vite quand une exposition estréussie ou ratée. Ici, pas de doute. Dès la première salle, leschoses se retrouvent bien en place. Rien que des très belles pièces.Un décor sobre, mais efficace. Des éclairages savants. Chaque projecteur est réglé au millimètre. Une parfaiteadéquation entre le contenant et le contenu. Des textes simples, enitalien et en anglais. Aucun verbiage. Les légendes traitées sevoient simplement racontées. Il se trouve même au Leoni Montanariune qualité de silence. Quand les écoles sont parties, à midi,vous vous retrouvez seul face à la tête de bronze hellénistiqueprêtée par Salerne ou aux décors, en partie ruinés (y aurait-ileu là une bombe en 1944-1945, la ville ayant beaucoup souffert?), à la fresque deLuigi Dorigny. Nous sommes dans le très haut de gamme, versionérudite. J'imagine mal l'UBS ou le Crédit Suisse s'offrant ce genrede fantaisies dans ce que les deux banques appellent en allemand leur«engagement»...

N.B. Selon une habitude qui se répète pour ce genre de sujets, il y a un montage d'extraits de films "peplums". Ils vont de "La chute de Troie" de Giovanni Pastrone, qui fut en 1911 l'une des premières productions avec de gros décors en trois dimensions, à "Troie" de Wolfgang Petersen (2004).
Pratiqueg
«Mito», Palazzo Leoni Montanari,Contra' Santa Corona, Vicence, jusqu'au 14 juillet. Tél. Numérovert 800 57 88 75 site www.gallerieitalia.com Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h.
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Le Palazzo Leoni Montanari de Vicence se penche sur le "Mito"
L'Intesa SanPaolo fête ses vingt ans de présence dans un palais baroque qui lui vient de l'Ambrosio Veneto. L'exposition sur les mythes antiques est somptueuse.