Il n'y a pas que des dessousaffriolants, même si l'affiche montrant un corset jaune bien serréfait frétiller le fétichiste que je suis. Avec «Silhouette», que propose depuis la mi-avrille Musée historique de Lausanne, l'ensemble du corps seretrouve mis en forme, pour ne pas dire en scène. Et ceci tant pourles hommes, ces éternels oubliés de la mode, que pour les femmes.Il n'y a qu'à regarder le bas des pantalons masculins. Ilss'élargissent un temps jusqu'aux pattes d'éléphant. Ils serétrécissent par la suite en tuyaux de poêle. Ils ont un revers,puis plus du tout. En ce moment, si vous êtes sensible au spectaclede la rue, vous constatez du reste que ce bas de costume monte toujours plus haut. Il y a vingt bons centimètres entre la fin ducanon (c'est comme ça qu'on appelle les jambes de pantalon) et leschaussures, histoire de montrer des poils, des tatouages ou deschaussettes bigarrées.
Première exposition sauf erreur dansles nouveaux locaux de l'institution vaudoise, «Silhouette» nepropose pas un parcours historique qui irait de la fin du XVIIesiècle à nos jours. Tout se retrouve brassé par thèmes, avec destréteaux de bois conçus par l'équipe de Trivial Mass. Sur cespetites scènes de théâtre se déroule chaque fois une comédie desapparences. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, au fond! Ons'habille un peu pour soi et beaucoup pour les autres. Le tout ensuivant les normes de son temps, capricieuses comme des divas. Lesextravagants jouent à fond la carte de la nouveauté. Les dandyssont de tous les temps et de tous les sexes. Les raisonnables, ouceux qui se sentent pris dans un carcan social, font ce qu'ilsappellent des concessions à la mode. Autant dire qu'ilsl'affadissent. Il faut de nos jours encore des années pour qu'unenouveauté un tantinet osée entre jusque dans les bureaux desbanques ou les assurances. Et là, je peux vous dire une chose. Cettemode-là aura cessé d'en être une depuis longtemps.
Legs, dons et achats
Le commissaire Claude-Alain Künzi sedevait de mettre en valeur le fonds de la maison. Car leMusée historique possède une ample collection de costumes, reçuspar dons, par legs ou acquis à une famille. Je vous dirai, pouravoir consciencieusement lu les cartels, que le tout-Lausanne denaguère se retrouve ici. Les Rister de Crousaz y rencontrent lesMercier de Sérenville, les Bugnion ou les Charrière de Sévery. J'ai aussi vuque ces derniers ont vendu, et non offert. Une entrée récente aumusée, alors que l'institution restait fermée pour travaux. C'étaiten 2016. D'autres acquisitions se révèlent plus nouvelles encore.Il fallait bien finir en 2019. Notez qu'on peut se demander si une silhouette commune existe encore aujourd'hui. A force de dire aux gens éprisde politiquement correct qu'il faut «accepter son corps», celui-ciressemble souvent aux sacs poubelles que l'on peut acheter à laMigros (un nom bien choisi en la circonstance...). D'ailleurs, lepetit film d'animation montrant l'évolution des contours générauxdepuis la Renaissance s'arrête symptomatiquement en 2000.

Il y a de belles pièces au long decette exposition de poche, qui se contente de quatre salles. Desrobes à panier, à tournure (on parle ici plus abruptement de«faux-cul») ou à crinoline. Les hommes ne sont pas en reste avecleurs justaucorps brodés (dont un à motif de fraises!) et leursgilets. On ne dira jamais à quel point ils ont perdu en abandonnantce dernier (le gilet, donc), qui permettait toutes les fantaisies. Mais il y a aussides choses actuelles, la plasticienne Christiane Nill photographiantcertains «fashonistas» locaux dans leur biotope naturel. J'aiconstaté dans ce diaporama la même disparité qu'entre lesboutiques de mode lausannoises pour hommes et pour femmes setrouvant de nos jours au Flon. Les mâles seraient-ilsvictimes de clichés sexistes à leur tour? Il y en a en tous casmoins de prêts à faire le beau devant l'appareil que de dames detous les âges puisque ce dernier (l'âge), comme la beauté d'ailleurs, n'est plus censé jouer aucun rôle.
Elégances enfuies
Nous sommes ici dans le «street wear»,comme on dit en bon français. Le commissaire Claude-Alain Künzi sedevait du coup de réserver une petite place à la maison Bonnard,qui a habillé tant de gens dans son magasin de la placeSaint-François, disparu en 1974 après un siècle et demi de bons etloyaux services. Un petit coup de chapeau se voit aussi donné, dansle genre plus chic, aux couturiers locaux ne se contentant pasd'acheter leurs patrons à Paris afin de les reproduire sous licence.Il y a ainsi une robe de la maison Eliane de 1961. Une autre, plusaudacieuse, d'Olivier Chabloz de 1965. Une dernière enfin, presqueactuelle, de Geneviève Mathier la fondatrice de Cicatrice. Il nefaut pas oublier que la ville a connu une vie mondaine dont on n'a denos jours plus conscience. Seul en reste le souvenir. Une dame meparlait ainsi récemment des bals donnés par la vicomtesse Chevreaud'Entraigues dans sa maison qui devait devenir le musée de l'Elysée.

Très réussie, pleine d'idées etpourtant sans prétentions, l'exposition actuelle me rappelle qu'ilfaudrait répartir les compétences. Le Mudac voisin, qui se veuttout contemporain parce que cela fait plus chic, a aussi montré dela mode. A Yverdon-les-Bains existe un musée fantôme entier consacré àcette discipline. Si son fonds existe bien, grâce à des trèsimportantes donations, il n'a toujours pas de murs. Un temps, laMaison d'Ailleurs aurait dû s'installer la le nuage d'Expo02. Sonbâtiment actuel aurait alors été voué au chiffon. Le nuage s'estdissipé, mais pas le reste. Le Musée de la mode en reste au mêmepoint, même si le Château lui octroie des bouts de salles. Lamanifestation actuelle ne pourrait-elle pas servir de base à uneréflexion vaudoise? Le domaine se révèle porteur. Le Victoria & AlbertMuseum de Londres, qui n'est tout de même pas rien, vit aujourd'huide ses expositions de modes dont l'une, il y a quelques années,était consacrée.... aux sous-vêtements modifiant la silhouette.
Pratique
«Silhouette, Le corps mis en forme»,Musée historique, 4, place de la Cathédrale, Lausanne, jusqu'au 29septembre. Tél. 021 315 41 01, www.lausanne.ch/vie-pratique/culture/musees.mhl (je sais, c'est long!). Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.
Le Musée historique de Lausanne met l'histoire de la mode en "Silhouette"
L'institution possède une belle collection, d'origine locale. Elle va du XVIIIe siècle à nos jours. L'exposition brasse les époques pour aborder différents thèmes.