Le Musée de la romanité de Nîmes raconte avec Pline les derniers jours de Pompéi
Très bien faite par une équipe de quatre spécialistes, l'exposition propose bien sûr des objets venus de Naples. Elle refait aussi l'Histoire et pose un certain nombre de questions.

L'une des empreintes en plâtre des cadavres de Pompéi.
Crédits: Musée de la romanité, Nîmes 2019.Je ne sais pas si vous avez lu «Les
derniers jours de Pompéi» d'Edward Bulver-Lytton. Si ce n'est pas
le cas, vous n'avez sans doute pas perdu grand chose, même si ce
roman anglais ne possède tout de même pas le côté cul-béni du
«Quo Vadis?» du Polonais Henryk Sienkiewicz. De toutes manières,
il existe les produits dérivés. Depuis sa publication en 1834, ces
«Derniers jours» se sont vu mis à toutes les sauces, de l'opéra
(1869) à la mini-série TV (1984). Avec toujours la même histoire
se terminant avec un invité surprise, le Vésuve.
La ville ensevelie tient aujourd'hui la vedette au Musée de la romanité de Nîmes. «Pompéi, un récit oublié» reprend l'histoire mille fois racontée tant à l'attention des enfants que des adultes et même des spécialistes. A la manière italienne, cette exposition assumée par un «team» de quatre commissaires sait concilier le populaire et le pointu. Le tout dans une scénographie exemplaire. Les salles temporaires sont plongées dans le noir, comme jadis les habitants de Pompéi. Il y a de très beaux objets, souvent peu vus. Ils sont venus des musées de Naples. Des films d'animation illustrent le déroulement de la catastrophe, survenue en 79 de notre ère. Ils se révèlent clairs. Intelligibles. Pas trop longs. Les textes d'explication possèdent la même évidence. Bref, une exposition pour tous. J'y suis pourtant allé un peu en me traînant les pieds. Je gardais un souvenir cataclysmique (à tous les sens du terme) d'une chose sur le même thème au British Museum en 2013. Eh bien, je n'ai pas regretté mon passage!
Sauvetage tenté par mer
«Pompéi, un récit oublié» a comme
protagoniste Pline l'Ancien. Un monsieur né à Côme, tout près du
Tessin, en l'an 23. La curiosité de l'homme était universelle. Si
son «Historia Naturalis» demeure la seule de ses œuvres à nous
être parvenue, elle compte tout de même trente-sept volumes. Ami de
Titus, qui devint empereur en 79, il fut fait commandant de la flotte
de Misène par ce dernier. Du pur copinage. Bien qu'ayant accompli une
carrière militaire, le scientifique n'avait aucune connaissance
maritime. Il se révélera pourtant à la hauteur. Averti par sa
femme de la présence d'une inquiétante colonne de fumée du côté
de Pompéi et d'Herculanum, Pline va envisager une expédition
scientifique, avant de deviner l'étendue de la catastrophe. Il
tentera alors d'organiser un sauvetage par bateaux militaires. Une première
dans le genre. Mais les Romains avaient le sens pratique. Pline
mourra dans l'aventure. Crise d'asthme. Une sorte de dommage
collatéral.

Le récit de l'éruption a donc été raconté par son neveu, Pline le Jeune. Son texte sert de base à l'exposition, qui commence plus en amont dans le temps. Il fallait bien raconter l'existence de cette ville de plaisance, peuplée d'habitants permanents, certes, mais aussi de riches estivants. Ceux-ci se sentaient à l'abri. Le volcan n'avait plus rien craché depuis huit siècles. Le tremblement de terre de 62 ne les avait donc pas émus outre mesure. La cité s'était contentée de réparer ses blessures. Nul ne s'attendait à une catastrophe aussi soudaine. Ce fut un peu comme si les volcans d'Auvergne reprenaient brutalement aujourd'hui du service au lieu de promouvoir de l'eau minérale (Volvic). Notez que Herculanum a été plus vite et plus gravement touchée. La température y a atteint par instants jusqu'à 600 degrés. C'est mieux que l'actuel réchauffement terrestre. D'où la présence d'une gangue à Herculanum au lieu de couches de cendres à Pompéi.
Combien de victimes?
Tout en montrant des fragments de
fresques, des objets du quotidien et quelques marbres, l'exposition
pose aussi un certain nombre de questions. D'abord, les événements
se sont-ils bien déroulés le 24 août, moment de l'année
aujourd'hui mis en doute? Certains détails contredisent cette date.
C'était sans doute en octobre. Y -t-il eu finalement à Pompéi tant
de victimes? On sait que dès 1863, les empreintes des corps ont
subit des coulés de plâtre, selon l'idée de l'archéologue
Giuseppe Fiorelli. Un certain nombre de ces moulages, nous montrant
les habitants dans la position qu'ils avaient à l'instant de leur
mort, figurent du reste à Nîmes. Il y en a en tout un peu plus de
mille. La ville devait compter 20 000 personnes environ en 79. Depuis
1748, elle a été fouillée à moitié, les campagnes reprenant
aujourd'hui après le scandale de l'écroulement de murs antiques en
2010 et l'arrivée de fonds européens. Si l'on fait un rapide
calcul, on arriverait à 2000-3000 morts, soit près de 90 pour-cent
de rescapés sur lesquels nous ne savons rien (1).
Vingt siècles plus tard, l'information
se fait fatalement lacunaire. La majorité des textes antiques sont
perdus. Deux chose claires. L'empereur Titus a accompli le déplacement, comme
le ferait un chef d'Etat moderne. La cité n'a pas été
reconstruite. Des mesures ont cependant été prises. Le visiteur se
prend à admirer le pragmatisme romain, qui tranche avec certains
cafouillages italiens d'aujourd'hui. Mais j'avais déjà été
surpris de découvrir, dans un ouvrage scientifique sur la peste en
Toscane au XVIe siècle, combien le duché des Médicis était alors
d'avant garde. Comme Venise. On ne savait pas soigner le mal, mais
établir un cordon sanitaire oui. Tout (enfin presque tout) pouvait
du coup sembler sous contrôle.
Pas de fictions
Il n'y a plus qu'à regarder encore
quelques objets originaux de près. Bien éclairés. J'ai noté que
pour une fois dans une exposition sur l'Antiquité, il n'y avait pas
d'extraits de films de fiction. «Les derniers jours de Pompéi»
n'ont pourtant jamais été les ultimes au cinéma. Première version
en 1900. La plus somptueuse reste encore celle de 1926. Elle ne figure
cependant pas sur Youtube, contrairement à la mini-série et au film
de Mario Bonnard et Sergio Leone de 1959. Cette dernière possède il es vrai l'avantage de tout résumer en une heure vingt...
(1) Le chercheur américain Steven Tuck se penche cependant depuis des années sur ce problème de l'après. Il pense que la plupart des habitants sont restés dans les environs de l'actuelle Naples.
Pratique
«Pompéi, un récit oublié», Musée de la romanité, 16, boulevard des Arènes, Nîmes, prolongé jusqu'au 20 octobre. Tél. 00334 48 21 02 10, site www.museedelaromanite.fr Ouvert tous les jours de 10h à 19h.