
Il avait fermé deux ans, non pas pour se refaire une beauté (celle-ci était intacte) mais afin de se redéployer. Devenu au fil du temps «et de la nature», le Musée de la Chasse s’est une nouvelle fois agrandi à Paris. J’ai connu les temps, devenus lointains, où il occupait un seul bâtiment ancien de la rue des Archives. Ce dernier avait ouvert ses portes au public en 1967. L’institution privée occupait alors l’Hôtel de Guénégaud, construit au XVIIe siècle par François Mansart. Un petit chef-d’œuvre sauvé à la dernière minute de la pioche, tant ses murs semblaient vétustes. Puis la Fondation Sommer, à l’origine de l’entreprise, a acquis juste à côté en 2003 l’Hôtel de Mongelas, lui aussi au bord de la ruine. Elle possède maintenant un troisième édifice, plus loin dans la lignée. C’est ce qui s’appelle avoir de la suite dans les idées!

Du côté de chez Charles Darwin. Les vitrines. Photo Connaissance des arts, Musée de la chasse et de la nature, Paris 2021.
Entre-temps, le Musée de la chasse et de la nature a imposé un style en matière de présentation et de mise en scène. Le milieu spécialisé a mis du temps à s’en rendre compte. Mais la mélange de meubles d’époque, d’animaux empaillés, de tableaux anciens et de créations contemporaines a fini par marquer les esprits. Au temps de la fameuse «transversalité» dont on nous bassine aujourd'hui les oreilles, voilà enfin un lieu qui ne se contentait pas de simplement s’écouter parler. Sa direction agissait, brassant mine de rien des éléments au départ peu faits pour se rencontrer. Ce disparate formait une ambiance de maison habitée, chaleureuse, dont les propriétaires seraient dotés d’un certains sens de l’humour. Une denrée rare en matière muséale… Après avoir ricané, les théoriciens du genre ce sont mis à citer le Musée de la chasse et de la nature en exemple de ce qu’il fallait faire à l’avenir. Comme si imiter un tel succès se révélerait chose facile.
"La valise d'Orphée"
Il était clair que pour sa réouverture le 3 juillet 2021 (avec une inauguration officielle début septembre), l’institution n’allait pas modifier son orientation. On ne change pas une équipe gagnante. En apparence, les changements restent du coup minimes. Le public entre toujours par la porte de l’ex-Hôtel de Mongelas. Il reconnaît l’escalier, dont la rampe de bronze s’est patinée en une quinzaine d’années. Oui, le lieu d’expositions temporaires se trouve toujours au rez-de-chaussée! Il abrite jusqu’au 31 octobre prochain «La valise d’Orphée», un monsieur qui savait se faire écouter des animaux. L’espace s’est vu confié comme de juste à un artiste contemporain. Damien Deroubaix, 49 ans, l’a investi jusqu’au plafond. Tout est peint, avec notamment des ours. Damien s’inquiète de la disparition des espèces. Il n’est pas le seul. Le musée entend dorénavant suivre une démarche plus écologique. Ce présent figuré renvoie à un passé lointain. La «valise» fait allusion à la découverte chez un antiquaire libanais de 183 statuettes préhistoriques et antiques dans un tel contenant. De petites merveilles, au propre comme au figuré. Elle occupent ici une vitrine tout en longueur. A hauteur du regard. Entre deux plantigrades figurés par Deroubaix.

La chambre de la tique. Photo Connaissance des Arts, Musée de la chasse et de la nature, Paris 2021.
Au premier étage, il faut une bonne mémoire pour distinguer les innovations des objets déjà présents avant les travaux. Il est vrai que le Musée de la chasse et de la nature joue volontiers sur la surcharge, au mépris de toutes les règles émises à la fin du XXe siècle. Il y a eu des ajouts. J’ai senti des retouches. Le magnifique portrait assis d’un chasseur de Jean Daret et Nicasius Bernaerts, daté 1661, ne trônait par exemple pas là. Et dans la salle des animaux naturalisés je ne connaissais pas l’éléphanteau. Taxidermisé dans les années 1920, ce dernier a été sauvé in extremis de la destruction par ses propriétaires pour prendre place parmi ses congénères après restauration. Eh oui, les bêtes mortes se restaurent aussi de nos jours! Il y a comme cela d’autres apports. Ils viennent si bien s’intégrer qu’on ne les remarque pas du premier coup d’œil.
La faune d'Ile-de-France
C’est cependant à l’étage au-dessus que les modifications deviennent les plus nombreuses. Certains décors me semblent avoir disparu au profit d’autres. Le plus spectaculaire de ces derniers se révèle, à mon avis, celui montrant une faune d’Ile-de-France survivant parmi trop d’humains. Devant un superbe panorama, très personnel, de François Malingrëy se trouvent les animaux empaillés. A 31 ans, le peintre fait partie des figuratifs qui montent. Le musée a fait avec lui un choix à la fois classique et innovant. Plus loin, il y a Eva Jospin et l’une de ses forêts miniatures en relief. Plus Philippe Cognée. Une manière de se positionner face à l’art contemporain. Ajoutez quatre chambres dédiées à ceux qui ont travaillé sur les espèces. La chose vaut, avec beaucoup de vitrines, un Darwin au visiteur. Et, grâce à sa bibliothèque simulée, un Claude Levi-Strauss. Une création cette fois de Markus Hansen. Cet Allemand de 58 ans a eu la main particulièrement heureuse. Il n’y a là aucun livre. L’œuvre n’offre rien de vériste. Et pourtant on s’y croirait!

Le portrait de Jean Daret et Nicasius Bernaerts. Photo Connaissance des arts, Musée de la chasse et de la nature, Paris 2021.
Les travaux menant à cette réussite augmentée (il existe après tout bien aujourd’hui une «réalité augmentée») ont été supervisés par une nouvelle directrice (1). Christine Germain-Donnat a été nommée en novembre 2019. Elle entend assurer le virage écologique, tout en défendant la chasse traditionnelle. Pour elle, il convient de refuser tout manichéisme réducteur. Il n’y a pas le bon et le mauvais, les gentils et les méchants. Il faut, comme on dit, faire la part des choses. De toutes manières l’institution, désormais regardée comme un laboratoire muséal, ira de l’avant. De quoi laisser bien des gens en arrière. Dans le peloton, comme au Tour de France!
(1) Je me rend compte que j’ai oublié «La chambre de la tique». De quelle manière une tique perçoit-elle le monde? Comme quoi abondance de biens peut nuire...
Pratique
Musée de la chasse et de la nature, 62, rue des Archives, Paris. Tél. 00331 53 01 92 40, site www.chassenature.org Ouvert du mardi au dimanche de 11h à 18h, le mercredi jusqu’à 21h. L’exposition «La valise d’Orphée» dure jusqu’au 31 octobre.
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Le Musée de la chasse et de la nature parisien s'est agrandi. Mais il reste fidèle à sa ligne
Un troisième hôtel particulier s'est ajouté rue des Archives. La muséographie du lieu, qui tend à faire école, reste inchangée. Toujours aussi décoiffante!