Ce n'est pas l'exposition qui fait le«buzz», comme «Le Modèle noir» à Orsay ou une «CollectionCourtauld» ayant tout bêtement traversé la Manche pour seretrouver en fanfare à la Fondation Vuitton. Situé depuis 1990 dansl'ancien Hôtel de Donon, rue Elzévir, le Musée Cognacq-Jay resteun endroit discret. Il offre en plus le défaut, aux yeux actuels, derefléter «Le goût du XVIIIe». Le Siècle des Lumières, pour cequi est du moins des beaux-arts, est passé de mode. On imagineaujourd'hui mal des propriétaires de grands magasins empilant lestabatières sous des tableaux de Greuze, comme le faisaient les épouxCognacq, les créateurs de La Samaritaine.
Chaque année, Cognacq-Jay organise aumoins une grande exposition, consacrée par force au XVIIIe. Il y aainsi eu un excellent Jean-Baptiste Huet et un projet sans doute tropambitieux sur Venise. Il ne faut pas oublier l'exiguïté des lieux.Les espaces temporaires se limitent à trois chambres et un couloir.La chose ne décourage pas l'équipe dirigeante, qui vient pourtantde profondément se modifier. La directrice Rose.Marie HerdaMousseaux vient de partir, voilée ou non, pour Abu-Dhabi. Sonadjoint Benjamin Couilleaux a repris la tête de ce vaisseau enperdition que demeure le Musée Bonnat-Helleu à Bayonne. Fermé en2011, le bâtiment vient seulement d'entrer en travaux alors qu'ilrecèle une ds plus belles collection de France. C'est aujourd'huiAnnick Lemoine, plutôt versée dans le XVIIe, qui a reprisCognacq-Jay.
Une exposition hors les murs
L'actuelle présentation est encore dueà l'ancien «team». Il s'est associé au Musée Fabre deMontpellier, qui a apporté le tout sous forme de paquet ficelé. Les80 dessins réunis sous le titre de «Génération en Révolution» (1) proviennent donc tous du fonds languedocien. Si le Fabre rénové estimmense, il n'en va hélas pas de même pour sa salle d'artgraphiques. Un endroit assez misérable dans un entresol. Aussi soninamovible directeur Michel Hilaire, en place depuis 1992, a-t-ilopté pour une présentation hors les murs. La capitale fait toujoursdu bien pour l'ego. Membre des institutions de la Ville de Paris, Cognacq-Jay bénéficie en plus d'une publicité jusque dans le métro.
Les 80 feuilles présentées (dont beaucoup restaient inédites) datent desannées 1770 à 1815. Une période charnière. Le musée ne devraitpas pour autant parler de «prélude à la modernité», tant cesmots me semblent galvaudés. Le néo-classicisme en forme en réalité l'exact contraire. Il s'agit là d'un nouveau retour aux canonsantiques. C'est du reste le moment où Rome redevient «the place tobe». L'Académie de France y reçoit d'ailleurs les élèves primés par Paris au Palazzo Mancini, puis à la Villa Médicis. Il s'agit pour euxd'étudier de près les tableaux célèbres, mais surtout les restesantiques anciennement ou nouvellement découverts. La seconde moitiédu XVIIIe voit se développer, non sans un certain désordre, ce quideviendra l'archéologie. On parle alors encore d'"antiquaires".
Nombreuses académies
Il y a certes des feuilles decomposition (2) aux murs de Cognacq-Jay, dont l'incroyable «Gifle»de Fragonard, mais le public y découvre d'abord un certain nombred'académies. Autrement dit des nus, exclusivement masculins. Il y alà des exercices très réussis de Girodet, de Suvée, de Prud'honet bien sûr de ce François-Xavier Fabre (1766-1837). Un homme quipassera l'essentiel de sa vie en Italie avant de revenir àMontpellier, donnant puis léguant ses œuvres et ses collections àla Ville afin de créer un vrai musée. Fabre avait gardé beaucoupde choses de sa main. Il avait obtenu des esquisses de sescontemporains. Une base solide ne demandant qu'à se voir complétée.Soutenu par Montpellier-Métropole, le musée reste aujourd'hui l'undes plus actif du pays sur le plan des achats, même si ces derniersportent essentiellement sur la peinture. Elle peut se voir accrochéeen permanence aux murs, contrairement au papier.

Sur les cimaises de Cognacq-Jay, lepublic peut ainsi retrouver des gens comme Guillon-Lethière, lepremier artiste métis français, Réattu, Meynier, Vincent, Gamelin,Ménageot, Hennequin, Regnault ou Gérard. Tous ne sont pas desstars, même si l'histoire de l'art vient de réhabiliter nombred'entre eux. Il y a aussi là, ce qui est bien, des provinciaux.Hennequin est de Lyon, Gamelin de Carcassonne, Réattu d'Arles. Ilsont accompli, non sans difficultés, leur parcours dans des citéspériphériques à leur retour de Rome. La chose leur a permis dedévelopper des personnalités différentes, pour ne pas diredivergentes. Si Hennequin, compromis après 1794 par son radicalismerévolutionnaire, n'est sans doute pas un grand peintre, il s'agitd'un dessinateur dont le trait de plume se reconnaît au premier coupd’œil.
La déception David
Il n'y a finalement qu'une déception àCognacq-Jay. C'est Jacques-Louis David (1748-1825) . Le chef de file "himself".Celui à qui le grand public résume le néo-classicisme français.Il y a ici du maître deux feuilles. La première est un croquis, présent à mon avis uniquement à cause de sa belle attribution. Laseconde une grande composition. Je veux bien qu'il s'agisse sansdoute d'une première pensée. Il n'empêche qu'on voit combien l'homme parvenait à la perfection à force de travail. Il n'étaiten fait pas doué. N'importe quel petit nom, ici, brille davantageque lui. Si l'on regarde avec ses yeux, et non en utilisantl'enseignement reçu, le verdict peut se révéler impitoyable.
(1) Le commissariat a été assuré par Florence Hudowicz, conservatrice des dessins à Montpellier, et Benjamin Couilleaux. - (2) Avec bien sûr des sujets antiquesrares et compliqués. J'ai retenu un «Ménélas perçant de sa lancele cou d'Euphorbe» de Jacques Gamelin, typiquement homérique.
Pratique
«Génération en Révolution», MuséeCognacq-Jay, 8, rue Elzevir, Paris, jusqu'au 14 juillet (une datebien choisie!). Tél. 00331 40 27 07 21, site www.museecognacqjay.paris.fr Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 18h. Une partie de l'accrochage devrait se voir modifiée pour des raisons de conservation le 13 mai.
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Le Musée Cognacq-Jay présente à Paris les dessins de la "Génération en Révolution"
C'est le Musée Fabre de Montpellier qui a fourni l'ensemble des oeuvres, tirées de ses collections. Il y a là 80 feuilles signées David, Guillon-Lethière, Gérard ou Prud'hon.