Le Mudac est au parfum. Jusqu'en juin,il présente à Lausanne «Nez à nez», tandis que le Musée de lamain, une main visiblement odorante, propose «Quel flair!» dans lamême ville. Un peu plus loin, à Bienne, Photoforuma exposé jusqu'au 31 mars (désolé, c'est depuis longtemps terminé!) cinq photographes pour des «Sillages»devant faire ciller. Il s'agissait là de montrer les rapports, «souventinattendus», entre le 8 e art et les fragrances. Comment rendre visuel l'invisible? Je ne vous en dirai pasdavantage, parce que je n'ai de toute façon pas vu la chose. Je me suis en fait limité au Mudac.
Là aussi, il aurait fallu réussir desmiracles dans ce qui reste malgré tout un temple des artsdécoratifs. Si un parfum a du corps, c'est métaphoriquementparlant. L'odeur suggère. Vous me direz qu'il existe bien lesflacons, destinés à matérialiser un luxe volatile. Il s'en faitmême de fort beaux. Pensez à Lalique! Certains amateurs les collectionnent donc avecpassion, qu'ils soient anciens ou modernes. D'autres gardent lespetites bouteilles, avec leur «jus» inentamé. Une véritablemémoire olfactive même si l'odeur tourne un peu à la longue. Il y a enfin ceux, et surtout celles, quiréunissent le plus possible de mini-flacons. Une véritable quête,avec un marché et des cotes, comme pour les œuvres d'art.
Trois odeurs chacun
Rien de tout cela au Mudac, qui a jouéla carte du minimalisme. A côté de cette exposition janséniste,même les «white cubes» du contemporain auraient l'air exubérants.Les commissaires Claire Favre Maxwell et Amélie Bannwart se sontcontentées d'inviter treize créateurs internationaux actuels. Pour une moitié des indépendants. Pour l'autre des «nez» liés àl'industrie et aux grandes marques. Elles leur ont proposé une sortede jeu. Chacun dispose de trois emplacements afin de présenter sescréations. Egalité totale. Aucune mise en scène. Les senteursdemeurent à l'état naturel. Autrement dit dématérialisées. Levisiteur empoigne une cloche de verre, comme on en mettait jadis surles fromages (qui possèdent aussi leur fumet). Il renifle avec plus oumoins de plaisir. Il repose ensuite la chose pour passer à lasuivante. Je m'étonne juste qu'il ait fallu chercher jusqu'àLondres le studio Glithero de Sarah van Gameren et Tim Simpson pour mettre la chose en forme. Lerésultat frôle le non-décor. Mais il n'y a rien de plus cher quela simplicité. Tout le monde sait cela.
Les invités ne sont pas forcémenttrès connus. Il y a parmi eux une (trop?) forte majorité deFrançais, de Marc-Antoine Corticchiato à Maurice Roucel en passantpar Olivia Giacobetti ou Céline Ellena. Une Suissesse, Vero Kern, unMexicain, Rodrigo Flores-Roux, et un Italien, Lorenzo Villoresi, sonttout de même parvenus à se frayer une petite place. Certainsreprésentent des firmes connues, même s'ils ne leur sont pasforcément attachés de manière permanente. C'est le cas deDominique Ropion, auteur de «Kenzo Jungle» ou de Jean-Claude Ellena(le père de la Céline précédemment citée), l'inventeur du «Cuir d'ange» d'Hermès.D'autres roulent pour eux-même, ce qui suppose un mentalité dekamikaze. Il n'existe pas de marché plus saturé que celui du parfum. Lorenzo Villoresi a tout de même osé se lancer à son nom tandis queMarc-Antoine Corticchiato créait Parfum d'Empire. Un nomd'entreprise qui ne manque pas d'ambition, même pour un Corse!
L'arbre généalogique
Il faut en effet se battre pour imposerune nouvelle création. Le budget publicité apparaît déterminant,mais il ne suffit pas toujours. Guerlain se ruine régulièrement pour lancer deschoses inédites qui ne s'imposent presque jamais, alors que lamaison vit toujours des rentes du «Shalimar» de 1926, voire du«Jicky» de 1889 «remastérisés» (et donc allégés), histoire desatisfaire le goût contemporain. Il est ainsi question au Mudacd'«Insolence» de 2006, dû à Maurice Roucel. Le culot ne suffitapparemment pas. Je n'ai pas vu souvent ce flacon au «jus» mauvedans les boutiques spécialisées, même si je ne suis pas un assidude ces maisons frôlant la puanteur à force de mélanges.Quant aux marques indépendantes, j'avoue avoir réussi à passer àcôté jusqu'ici.
Sur un mur de cette exposition faisantun pied de nez aux arts décoratifs, le plus intéressant restepeut-être un arbre généalogique, conçu par des spécialistes. Ilne traite bien sûr que de la parfumerie moderne, bien des marquesanciennes ayant disparu, même si Lubin tient le coup à Paris depuis1798, Houbigant, créé en 1775, appartenant aujourd'hui à un groupeanglais. Il n'y a pas là seulement manifestation érudite. Un tel arbreprouve que, désormais, toute pseudo nouveauté constituel'héritière, et donc l'imitatrice, d'une création précédente.Une totale innovation semble désormais impossible. Et pourtant, il apparaîttoujours davantage de produits, liés parfois à une star del'actualité! Les classiques en revanche demeurent. On a longtempscru que l'existence d'un support, comme une maison de couture(Chanel, Dior...) restait indispensable à leur survie sur le longterme. Mais des exceptions viennent contredire cette idée. Pensez à la maison Caron! Lehasard joue aussi son rôle. Il a suffi que Madonna avoue utiliser«Fracas» (1948) de Robert Piguet pour que les actions de cettefragrance remontent en flèche, alors que Piguet modes a fermé sesportes en 1951. Cela dit, une de mes vieilles cousines, qui n'a riende fracassant, est toujours restée fidèle à «Bandit» (1944) dumême couturier suisse. Comme quoi...
Un dernier mot. J'ai vu dans mondossier de presse que «Nez à nez» était sponsorisé parl'élégante banque privée Julius Bär. Et moi qui croyait quel'argent n'avait pas d'odeur!
Pratique
«Nez à nez», Mudac, 6, place de laCathédrale, Lausanne, jusqu'au 16 juin. Tél. 021 315 25 30, site www.mudac.ch Ouvert du mardi audimanche de 11h à 18h.
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Le Mudac lausannois met ses visiteurs "Nez à Nez" avec les parfums modernes
L'institution a invité treize créateurs contemporains indépendants, ou liés à la grande industrie. L'exposition donne dans le minimal. Beaucoup à renifler. Rien à voir.