Quatre plots se superposent dans lacour de l'ancien Hôtel Mallet, qui abrite dans son rez-de-chausséele Musée international de la Réforme (MIR) depuis 2005. Ilss'empilent sur le petit bassin, en temps normal coiffé de la croixhuguenote dorée inventée par Gilbert Albert. «Nous n'osons plusremonter le caisson architectural où nous avons déjà organisé plusieursexpositions temporaires», explique Gabriel de Montmollin. «Lepropriétaire n'en veut plus.» Les propos du directeur laissentperplexes si l'on sait que cette splendide maison du XVIIIe siècle,située à côté de la cathédrale, appartient à l'Egliseprotestante. Dieu y retrouvera certainement les siens. Le bel étagevient en effet de se voir restauré, ce qui a obligé l'institutionprivée à fermer durant un mois. Le futur locataire ne tiendra sansdoute pas à voir son regard buter sur ce qu'il faut bien appeler uneverrue.
Pourquoi ces plots? Afin d'annoncer la nouvelle manifestation, qui s'égaille dans les espacesde la collection permanente. «Seul, le dix-pourcent des objets quenous montrons d'habitude a cependant dû se voir enlevé.» Il s'agiten effet pour l'essentiel de films d'animation. A fond biblique, celava de soi. «Il était plusieurs fois» propose ainsi «Eve, Noé,Moïse et beaucoup d'autres», comme le dit une affiche aussi orangequ'une publicité Migros. L'exposition a pour auteur FrédéricBoyer, qu'on connaît comme le fédérateur de la «Bible desécrivains» parue chez Bayard en 2001. Un texte qui a d'ailleursservi de base pour un un tirage intégralement réalisé à la main, lors de «Print» en 2017. L'institution avait alors sorti les deuxTestaments sur une presse à bras, reconstituée pour l'occasion àla manière du XVIe siècle.
De "Max et Lili" à l'Ancien Testament
Frédéric Boyer, qui a repris l'andernier les très austères éditions P.O.L., n'est bien sûr passeul. Il fait équipe avec le dessinateur Serge Bloch. Un homme dontpresque tout le monde a vu des œuvres, sans parfois le savoir. Sergeest derrière les 119 albums de «Max et Lili» (1) comme de diversesillustrations conçue pour «L'OBS», le «New York Times» oule «Washington Post». Egalement scénographe de l'actuelle mise enscène du MIR, c'est un homme tous terrains, fussent-ils glissants.«Il nous fallait une adéquation avec les lieux. Nous avons présentéd'autres versions de «Bible, Les récits fondateurs». Une se situait dans un contexte comme le Centquatre à Paris, dans un quartier populaire. Nous finissions là-bas sur le thème de l'émigration, très présent dans les écrituressaintes. A Avignon, où Gabriel de Montmollin nous a découverts,nous étions centrés sur l'Ecriture.» Ici, il s'agissaitd'insérer l'Ancien Testament dans un moule à la foisintellectuel et historique, «en ouvrant une perspective actuelle».L'histoire de Noé, proposée dans un salle vide accessible de lacour, se termine ainsi sur la vision d'une planète moribonde aumilieu de l'infini du cosmos.
L'itinéraire débute avec le Paradis,comme il se doit perdu. Le visiteur déambule ensuite, toujours sous le signede la couleur orange, au rez-de-chaussée et dans les sous-sols. Ilremarque certains rapprochements avec le contenu ordinaire dessalles. L'Exode voisine ainsi avec l'exil suivant la Révocation de l'Edit de Nantes de 1685. La Tour de Babel et le meurtre de Caïn(un peu revisité) se découvrent dans des caves pouvant symboliserla noirceur humaine. Tout cela va à grande vitesse. «Nous avions 35sujets», explique Frédéric Boyer. «Il s'agissait de lestranscrire dans des films courts. Quatre minutes au maximum. C'estcompliqué si on poursuit un projet se voulant non confessionnel, ni vraimentspirituel. Nous avons choisi de proposer à chaque fois une immersioncontemporaine, avec un mélange de grave et de ludique.» Il fallaitintéresser un public que l'on imagine très jeune («Il étaitplusieurs fois» m'apparaît résolument premier âge) sansl'ennuyer. Cela dit, 35 films c'est long. Du moins vus en une seulefois. Le MIR en a donc retenu une quinzaine.
Un coup de jeune
Que penser de ces courtes bandes et dudécor du salon, adapté au graphisme un peu enfantin? C'est selon.Il me semble permis d'adhérer à ce projet donnant un coup de jeuneà un musée grave, où l'on parlait plutôt jusqu'ici de doubleprédestination calvinienne et de Guerres de religion. Comme me lerappelait récemment Olivier Fatio, qui a permis au projet du MIRd'aboutir il y a quatorze ans, il faut aussi penser aux jeunesgénérations. Leur bagage théologique devient de plus en plusmince. Plus flou aussi. Tout doit donc aujourd'hui se voir expliqué,en commençant par la base. Si vous possédez en revanche ces acquis, ilest aussi possible de voir dans «Il était plusieurs fois» unmonument de «bonne pensée». Du moins en puissance. Rien ne heurte au final l'idéologie politiquement correcte. Frédéric Boyer etSerge Bloch sont sans cesse obligés de louvoyer entre ces deux pôles (l'élémentaire et le gnangnan) aussi réfrigérants l'un que l'autre, afin de donner un discours un peu novateur. «Il fallait réanimer la puissance ce ceshistoires», déclarent en chœur les auteurs. D'accord. Reste qu'iln'est jamais très bon de se retrouver en réanimation.
(1) Plus de quinze millionsd'exemplaires de «Max et Lili», tous titres confondus, s'étaientdéjà vendus en 2012. Alors vous pensez! Aujourd'hui...
Pratique
«Il était plusieurs fois», Muséeinternational de la Réforme (MIR), 4, rue du Cloître, Genève,jusqu'au 19 mai. Tél. 022 310 24 31, site www.mir.ch Ouvert du mardi au dimanche de 10h à 17h.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.
Le MIR genevois présente l'Ancien Testament sous forme de dessins animés
"Il était plusieurs fois" réactive des mythes au Musée international de la Réforme. Les textes sont de Frédéric Boyer et les images de Serge Bloch. Le parcours va d'Adam et Eve au Cantique des Cantiques.