Eh bien voilà... J'ai entendu mardimatin au MEG l'homélie, à moins que ce ne soit l'encyclique deBoris Wastiau. Le directeur de l'institution. Il s'agissait pourl'ex-Musée d'ethnographie genevois («ethnographie» devenant un mottrès incorrect) de présenter son programme pour les cinq prochainesannées, placées sous le signe du renouvellement par la bonnepensée. Il y a donc un plan quinquennal dans le tiroir. Voilà quinous rapproche de l'URSS de naguère, où le communisme formait ilest vrai une religion, avec toutes les contraintes que cela suppose.
Sur l'écran lumineux, tableau noir destemps présents, quelques mots brillent dans une petite salle avantqu'interviennent Sami Kanaan, en tant que grand maître de la culturelocale, et Boris Wastiau. Ils mettent le public, formé dejournalistes (dont les élèves d'une école professionnelle), dansl'ambiance du jour. Il y a là «métissage». «Diversité».«Echanges». «Influences». «Migrations». Plus quelques autresparoles, tout aussi prégnantes. Il s'agit plus ou moins là derubriques. Après la partie introductive de Sami Kanaan, le directeurdu MEG va, je le sens, développer son éditorial du derniernuméro de «Totem», le journal du musée condamné à disparaître(le journal, donc!). Je vous avais dis en son temps tout le mal queje pensais de ce texte ultra-conformiste. Une parfaite adaptation auxmodes du jour. Difficile de faire mieux (ou pire) dans labien-pensance.
Un changement radical
Tandis que les images défilent commedes slogans sur l'écran, Boris Wastiau va développer une étudestratégique. Bien des choses ont changé depuis cinq ans, moment dela réouverture du MEG après des travaux d'Hercule. Les courants depensée surtout. Pensez aux Indigènes français ou auxanti-appropriationnistes. Ce n'est pas parce que la Suisse n'a pas eud'empire colonial qu'elle doit échapper à la décolonisation. Etl'orateur de rappeler les liens économiques de la Suisse avecl'apartheid. «Le Musée d'ethnographie s'approche d'un changementradical. Le mot lui même a disparu. C'est Bâle qui a le premierdébaptisé son musée il y a vingt-quatre ans.»

Décoloniser suppose de passer de labrutalité des temps anciens à un rapport d'égalité. «Cela doitse marquer dans la manière dont nos collections seront montrées. Ilfaut que tout change. Nous devons aller de la conservation à laconversation.» Une idée qui fait jeux de mots. Il y a en aurabeaucoup comme ça dans le discours de Boris Wastiau. Mais qui doncpossède-t-il donc un tel sens de la formule dans l'équipe? Ils'agit d'intervertir les pouvoirs. D'«anticiper les controverses.»D'où une attention accrue portée aux provenances des artefacts.«Pourquoi et par qui les objets ont-ils été récoltés?»
Exclusion et inclusion
Des réponses trouvées dépendent lesrapports avec les populations appelées à des dialogues. «Il fautassocier à 50 pour-cent les porteurs de cultures à nos travaux».On passera ainsi de l'exclusion à l'inclusion, terme en vogue s'ilen est aujourd'hui. Il est aussi question d'«échanges équitables»,comme il existe un commerce équitable, genre Max Havelaar. Au diablele monde centré sur l'Europe! Pas besoin de quitter Genève, villemulticulturelle, pour cela. Il suffit de s’intéresser auxmotivations du public, voulu plus nombreux et plus divers. «Ilconvient de s'intéresser à ses aspirations et à ses motivations.Un musée ne travaille pas pour lui-même.» Boris Wastiau parlealors d'«hétérotopie». Mais je crains que ce concept inventé parMichel Foucault passe au-dessus du non-public. Je m'y perds déjàmoi-même.

Le musée devrait parler davantage delangues. Il glisserait ainsi de l'action à l'interaction. Il abesoin d'étendre la transition numérique. Dans le bon sens. Au lieude l'uniformité actuelle (et l'on sait que l'ennui naît del'uniformité) il y aurait du sur-mesure. Tout cela suppose unemodification complète du travail, et des relations qu'il entraîneau sein de l'équipe du MEG. «Nous avons une organisation classique.Il faut modifier la donne de manière plus horizontale afin de passeren modes projets.» Boris Wastiau parle alors de «lancer despasserelles.» On ne finit plus d'en jeter de nos jours. Celas'appelle, pour en arriver au nouveau slogan choc, «passer del'opération à la coopération.» L'orateur arrive ici un peu aubout de son programme, comportant cinq actes comme les tragédies.J'ai juste entendu les mots «perspective translocale» ou «dialogueglobal». Tout cela me semble de grands mots, mais il semble qu'ilfaille transiter par eux pour parvenir à «construire un mondemeilleur».
Nouvelle présentation permanente
Sur le plan pratique, il y aura encoreune coproduction classique avec Marseille en 2020 sur le thème deDubuffet. Puis ce sera «la fin des approches monographiques.» Finisles Mochicas ou les Japonais bouddhistes! Le MEG traitera les grandsthématiques. Avec «une approche transversale», comme de juste. Ceseront des sujets intéressant tout le monde, produits enco-commissariat. Parfois avec les «communautés sources». Bref, desidées comme Jacques Hainard en développait pour le MEN (ou Muséed'ethnographie) de Neuchâtel dans les années 1980. Rien de nouveausous le soleil.

Et les collections, là dedans? Aprèsétudes de provenance en vue des utilisations futures, il y aura unenouvelle présentation permanente, pour autant qu'une chose restedurable en ce bas monde. On y fera attention aux «collectionsproblématiques». Et Boris Wastiau de citer alors de la céramiqueislamique comme l'ensemble amazonien («qui comprend certainement despièces exportés de manière illégale»). L'attention se traduirapar une mise au courant des populations intéressées. A mon avis, ilfaudra hélas faire vite pour l'Amazonie...
Traitement différent
Les questions peuvent alors fuser. Voussavez comment sont les jeunes, surtout quand ils veulent devenirjournalistes. La première porte donc sur les restitutions. Puis ilen vient quelques autres. Je me mets à penser pendant ce temps.Pourquoi faut-il, que par une sorte de racisme sournois, lespopulations africaines ou sud-américaines se voient traitéesdifféremment des autres? Il y a toujours eu des conquérants. LesRomains étaient colonialistes. Les Arabes puis les Ottomans aussi.Les Normands se sont emparés de l’Angleterre comme de la Sicile ily a bientôt mille ans. Je n'irai pas plus loin pour ne vexerpersonne. Et puis l'autre chose qui me chiffonne, c'est cetexhibitionnisme de la vertu, dont Genève s'est fait une spécialité.Il est normal de bien se conduire, après tout! Ici, on le proclame.Peut-être pour étouffer les vilaines affaires de malfaçons oud'argent abusivement dépensé qui fleurissent régulièrement à laUne des quotidiens.
Pour le reste, j'attends la suite.«Nous communiquerons très prochainement.» En attendant, il devienttemps pour moi de passer à autre chose. Quoique... Demain, je vousdirai où en sont aujourd'hui les autres musées de Suisse s'occupantd'art extra-européens. Tiens! Extra-européens... Voilà une formulequi ne gêne encore personne! C'est extra.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.
Cet article a été automatiquement importé de notre ancien système de gestion de contenu vers notre nouveau site web. Il est possible qu'il comporte quelques erreurs de mise en page. Veuillez nous signaler toute erreur à community-feedback@tamedia.ch. Nous vous remercions de votre compréhension et votre collaboration.
Le MEG genevois va virer de bord. Il se lance dans l'ethnographiquement correct
Boris Wastiau a révélé le plan quinquennal de l'institution. Décolonisation. Co-commissariat avec les "peuples-sources". Numérisation à la carte. Expositions thématiques.