Le Luxembourg propose à Paris "Le Nabis et le décor"
Bonnard et Vuillard, mais aussi Ker-Xavier Roussel ou Paul Sérusier. Le musée reconstitue des ensembles qui paraissaient novateurs vers 1890. Le lieu semble trop petit pour le propos.

L'une des toiles d'Edouard Vuillard, où les personnages se confondent avec les murs.
Crédits: RMNBonnard, Vuillard, Maurice Denis et
leurs petits copains sont au programme. On sent ici la main de Guy Cogeval.
Aujourd'hui directeur d'un Centre d'études des Nabis et du
symbolisme à Paris, aux activités à vrai dire encore fumeuses,
l'ancienne tête d'Orsay aura passé des années à accroître les
collections du musée dans ce sens. Il y a eu les achats. Le legs en
2016 de la collection Jean-Pierre Marcie-Rivière, riche de 141
œuvres. L'obtention enfin, à terme, de la collection des époux
Hays de Memphis Tennessee. C'était à croire que la production
intégrale de ce cénacle de la fin du XIXe siècle devait finir en
front se Seine. Quelques dépôts dans les institutions de régions
n'auraient pourtant fait de mal à personne et beaucoup de bien à
ces dernières.
Guy Cogeval se trouve effectivement, en compagnie d'Isabelle Cahn, derrière l'actuelle exposition du Luxembourg consacrée aux «Nabis et le décor». Assez vite, ces artistes novateurs qu'étaient Bonnard et Vuillard, plus des gens comme Paul-Elie Ranson, Ker-Xavier Roussel ou Paul Sérusier, ont cessé de penser à la seule peinture de chevalet. Certains de leurs riches amis leur ont proposé de créer des pièces murales. Les thèmes n’auraient plus rien d'héroïque ou d'exotique. Il s'agirait de représenter le quotidien. Ce seront du coup les jardins publics. Les intérieurs eux-mêmes, dans ce qui devient du coup un jeu de miroirs. Le travail des femmes en plein air. Le monde de la forêt. Notez que Maurice Denis, chez qui tout apparaît religiosité, va tout de même proposer «La légende de Saint-Hubert» à Denys Cochin pour son hôtel particulier. Le commanditaire voulait un reflet de son goût pour les chasses à courre. Taïaut! Taïaut!
Broderies et vitraux
Les Nabis ne vont bien sûr pas se
limiter aux murs. Il y aura en prime des paravents. Des essais de
vitraux. De la céramique. Des broderies. Du vrai papier peint.
L'idée sera, comme quelques années plus tard avec l'Art Nouveau, de
créer un art accessible à tous. Dans les deux cas, on sait que les
créations demeureront expérimentales. Le grand public n'était pas
prêt à accepter ces innovations, qui vont de plus rapidement
sembler datées. Du reste, la plupart des décors se sont vus tôt
démembrés. L'actuelle exposition vise à reconstituer dans la
mesure du possible des ensembles éparpillés dans plusieurs musées
et chez des privés. Un décor de Bonnard se retrouve ainsi en
provenance d'Orsay, bien sûr, mais aussi de Richmond et du Japon.
Rares sont les suites, comme celle de Saint-Hubert prêtée par un
Musée Maurice-Denis de Saint-Germain-en-Laye aujourd'hui fermé pour
travaux, à avoir gardé leur belle unité.

L'exposition se révèle bien sûr
intéressante, comme ce que produit en général le Luxembourg. Elle
n'en pose pas moins un problème. Il s'agit d'un tout petit bâtiment.
Les décors prennent par définition de la place. Autant dire qu'il y
en a finalement peu et que tout semble être entré au chausse-pied.
C'est l'exposition qui aurait convenu au Grand Palais, où il ne se
passe pas grand chose de positif en ce moment avec «Rouge» et «La
Lune» (1). Il semble vrai aussi que le style de Bonnard, et surtout de
Vuillard, offre toujours quelque chose de confiné. Les êtres
humains se perdent sur les fonds colorés de tapisseries murales,
montrées en abîme. Dans ce cas, ce serait une réussite, mais dans le
genre étouffant. Qui aurait alors envie de vivre dans une
atmosphère Nabi?
(1) Je vous raconterai.
Pratique
«Les Nabis et le décor», Musée du Luxembourg, 19, rue de Vaugirard , Paris, jusqu'au 30 juin. Tél. 0033140 13 62 00, site www.museeduluxembourg.fr Ouvert tous les jours de 10h30 à 19h, le lundi jusqu'à 22h.