Le livre "Chaplin Personal" révèle les archives du photographe Yves Debraine
De 1952 à 1973, l'homme est resté le portraitiste personnel de l'acteur, réalisateur et producteur, réfugié à Vevey. L'actuel ouvrage bénéficie jusqu'en avril d'une exposition à Chaplin's World.

Chaplin avec le résultat de ses courses à la gare de Lausanne en 1957.
Le 18 septembre 1952, Charles Chaplin
quittait avec sa famille New York à bord du Queen Elizabeth. Un
voyage qu'il ne savait pas sans retour. Les Etats-Unis en profitèrent
pour lui retirer son visa. L'homme était resté sujet britannique.
Depuis longtemps, l'acteur, réalisateur et producteur connaissait des
ennuis avec la société américaine dans ce qu'elle pouvait avoir de
plus puritain ou de plus à droite. Aux ligues de vertu lui
reprochant sa vie privée (il avait épousé en dernier lieu Oona
O'Neill, qui avait le tiers de son âge) s'était joint le
maccarthysme ambiant. Ce dernier lui trouvait des relents
communistes. Pour revenir aux Etats-Unis, Chaplin aurait dû
affronter une commission qui l'aurait interrogé sur ses «idées».
Après un séjour à Londres, Chaplin arriva le 2 décembre 1952 à Lausanne. C'est ici que commence «Chaplin Personal», qui donne lieu aujourd’hui à un livre doublé d'une exposition au Chaplin's World de Vevey. Lors de cette première journée suisse, passée au Lausanne Palace, l'acteur avait rencontré Yves Debraine en reportage. Le photographe avait su lier conservation et se retrouver en compagnie de Charles et d'Oona à Gstaad. Le début d'une longue relation. Elle durera jusqu'à la mort de Chaplin, le jour de Noël 1977 à 88 ans. Debraine a ainsi pu prendre quantité d'images de la famille, qui allait s'agrandissant jusqu'à huit enfants. L'acteur voyait en lui son photographe officiel. Il lui laissait pourtant moins de marges de liberté que Pablo Picasso à David Douglas Duncan. Debraine n'en retourna pas moins au Manoir de Ban jusqu'au bout. Et cela même s'il avait cessé de faire des portraits de Chaplin en 1973. L'âge avait alors commencé à porter sur lui ses marques.
Un album avec des inédits
Enormément de clichés ont été
réalisés en deux décennies, même si Yves Debraine n'a pas couvert
la réalisation des deux films que Chaplin devait encore donner à
Londres («Un roi à New York» en 1957 et «La comtesse de Hong
Kong» en 1966). Un certain nombre d'entre eux ont été publiés à
l'époque. Manquait cependant le livre liant la gerbe, avec les
inédits que cela suppose. Le voici, édité par Noir sur Blanc.
L'ouvrage est dû à Luc Debraine, le fils d'Yves, qu'on a connu
journaliste au «Temps» ou à «L'Hebdo». Luc s'est toujours
intéressé au 8e art. La preuve! C'est lui qui dirige
aujourd'hui le Musée suisse de l'appareil photographique à Vevey.
Il s'agit bien sûr là d'un album. Le classement s'est naturellement fait par thèmes, dont celui, inévitable, du cirque. Le regardeur voit cependant Chaplin skier (plutôt mal), écrire, faire des courses, chez le coiffeur, à ses descentes d'avion et naturellement en famille. Notons qu'au sein de cette dernière, il y a les favoris. En tête se trouve Geraldine, qui devait faire plus tard une belle carrière d'actrice. «Le Docteur Jivago» est resté pour elle un faux départ avant ses succès espagnols sous la direction de son compagnon Carlos Saura. D'une image à l'autre, le spectateur voit Chapin vieillir doucement, puis cruellement. A 64 ans, lors de son arrivée en Suisse, il s'agissait déjà d'un petit monsieur aux cheveux très blancs. «Les feux de la rampe» qu'il avait tourné juste avant de quitter Hollywood en 1952, racontait d'ailleurs l'histoire d'un inexorable déclin. Un très beau film, à part cela!
Pratique
«Chapin Personal, 1952-1973», de Luc Debraine avec des photos d'Yves Debraine, aux Editions Noir sur Blanc, 144 pages. Exposition à Chaplin's World, 2, route du Fenil, Corsier-sur-Léman, jusqu'au 5 avril. Tél. 08424 22 422, site www.chaplinsworld.com Ouvert tous les jours de 10h à 17h.